Médecin ordinaire du roi, Théophraste Renaudot aura surtout été un « agitateur d’idées » puisqu’on lui doit, pêle-mêle, la presse hebdomadaire, l’assistance publique, les petites annonces, le mont-de-piété et avec le « bureau d’adresses », l’ancêtre de Pôle Emploi.
Montpellier, une fac plus moderne que Paris !
Théophraste Renaudot est né en 1586 à Loudun, dans la Vienne, bourgade rendue célèbre par l’affaire des possédées de Loudun, chasse aux sorcières lancée en 1630 par le cardinal de Richelieu contre le prêtre Urbain Grandier accusé d’avoir pactisé avec le diable. Issu d’une famille protestante, le jeune Théophraste se retrouve rapidement orphelin et après avoir appris le grec et le latin, il « monte » à Paris pour y suivre, en 1602, des cours de chirurgie. Il contracte cette année-là des écrouelles qui lui laisseront des cicatrices à vie sur le visage. Mais il se lasse vite de l’enseignement trop traditionnel dispensé par la Faculté de Paris régi par les trois S (le séné, le son et la saignée) et poursuit son cursus à Montpellier où l’enseignement de la médecine est plus moderne et où les protestants sont mieux accueillis.
La protection de Richelieu et du « père Joseph »
Le 12 juillet 1606, Renaudot reçoit le bonnet rouge de médecin mais se jugeant trop jeune pour exercer il préfère étoffer son savoir en voyageant en Espagne, en Italie, en Suisse et, enfin, en Angleterre. Après des passages en Ardèche puis à Paris, il finit par revenir s’installer à Loudun. Fréquentant le salon littéraire que tient dans la cité viennoise, le salon littéraire tenu par le poète Gaucher de Sainte-Marthe, il y rencontre un capucin de Chatellerault, François-Joseph Le Clerc du Tremblay, connu comme le « Père Joseph », appelé à devenir, en 1624, l’éminence grise d’Armand-Jean du Plessis, le cardinal de Richelieu. L’amitié de ces deux hommes va permettre au bouillonnant Renaudot de concrétiser les multiples projets qu’il a en tête.
Un traité sur la condition des pauvres
Très préoccupé du sort des démunis et des malades nécessiteux, Théophraste Renaudot fait ainsi parvenir au Conseil de Régence de Marie de Médicis un « Traité sur la condition des pauvres » qui ne passe pas inaperçu et qui lui vaut d’obtenir, alors qu’il n’a pas 26 ans, le titre de médecin ordinaire du roi Louis XIII en 1612. Même si le fait d’être protestant lui vaut l’hostilité des dévots catholiques, Renaudot jouit d’une excellente réputation auprès de la Cour, ce qui lui vaut d’être nommé en 1614 « Commissaire général des pauvres du Royaume ». S’étant finalement converti au catholicisme, Renaudot va finalement se convertir au catholicisme et rentrer au conseil de Richelieu en 1626. Toujours intéressé par le sort des pauvres, après avoir conseillé d’occuper les miséreux à évacuer les boues et les immondices qui s’accumulent dans les rues de Paris, le médecin va ouvrir en 1630, à l’enseigne du « Grand Coq », dans l’île de la Cité, son Bureau d’adresses et de rencontres, véritable agence de renseignements qui enregistre les demandes d'emplois, les propositions de vente, d'achat, les déclarations de toute nature, une annonce d’emploi, d’achat ou de vente ne coûtant que trois sous…
La création du Bureau d’adresse...
Renaudot, pour qui « l’expérience a appris que dans les affaires de la vie, un secours venu à propos avait toute l’importance d’un trésor », va, à partir du 1er février 1632, publier sa "Feuille du bureau d'adresses" qui permet de mettre en relation les employeurs offrant du travail et les travailleurs qui cherchaient un emploi, les acquéreurs et les vendeurs de biens, les fabricants et les clients éventuels d'artisanat. Après avoir créé l’équivalent de l’Agence pour l’emploi, l’imaginatif médecin vient de créer le premier journal d’annonces ! On y met en relation les employeurs et les chercheurs d’emploi, les vendeurs et les marchands de bien, les fabricants d’artisanat et les clients. En 1633, une ordonnance royale va contraindre tous les sans-emploi à s’inscrire au Bureau d’adresses où l’on a aussi installé un dispensaire, gratuit pour les pauvres et payant pour les riches. On y organise aussi, dans les locaux de la rue de la Calandre, des conférences où sont débattus tous les sujets qu’ils soient philosophiques, scientifiques, médicaux ou politiques.
de la « Gazette »...
Parallèlement, Renaudot, décidément précurseur en tout, a lancé le 30 mai 1631, sa célèbre Gazette, que l’on peut considérer comme le premier hebdomadaire à avoir jamais été édité, où sont rassemblés « toutes les nouvelles et récits de tout ce qui se passe en dedans et au dehors du royaume ». Le nom de « Gazette » avait été inspiré à Renaudot par la « gazetta », monnaie vénitienne équivalente au prix du numéro d'une feuille qui paraissait dans la cité des Doges au XVIe siècle. La Gazette va connaître un succès grandissant, avec le soutien tacite de Richelieu satisfait que ses vues puissent y être exposées officieusement, au point qu’en 1640 le tirage est de 800 exemplaires, le journal composé de quatre à douze pages selon les semaines sur un format 15x23 cm paraissant tous les vendredis. Renaudot est un homme de presse comblé et peut affirmer que « l'introduction de la Gazette de France est une des inventions de laquelle j'aurai le plus sujet de me gratifier si j'étais capable de quelques vanités ». À la mort du Père Joseph, en 1638, Renaudot va également prendre la direction du « Mercure de France », publication qui répertorie depuis 1611 les principaux événements de l’année en France.
... et du Mont-de-Piété
Ses activités de presse n’empêchent pas le philantrope Renaudot de continuer, au fil des ans, à s’intéresser au sort des pauvres. C’est ainsi que le 27 mars 1637, il crée, une ordonnance royale l’y ayant autorisé, son premier bureau d’assistance publique à Paris où l’on prête sur gages aussi bien aux pauvres qu’aux nobles ruinés. Ainsi nait le premier Mont-de-Piété où l’on fait aussi des ventes aux enchères, calqué sur le monte-di-pieta créé à Pérouse en 1462 par le moine Barnabé de Terni et légalisé par le pape Léon X en 1515. Le Mont-de-Piété fermera ses portes à la mort de Louis XIII et devra attendre une ordonnance de Louis XVI pour être rouvert rue des Franc-Bourgeois, dans le quartier du Marais.
Des « Consultations charitables » qui provoquent l’ire de la Faculté
Toujours en verve d’idée et toujours soucieux de venir en aide aux plus pauvres, Renaudot qui rêve depuis longtemps de s’affranchir de la Faculté de médecine de Paris, après avoir obtenu des lettres patentes du roi, crée en 1640 son école libre de médecine et un laboratoire où il est autorisé à préparer ses médicaments. Dès lors, va devoir faire face à l’ire montante de la Faculté qui voit d’un mauvais œil ce médecin qui ose s’attaquer à son monopole. Cela n’empêche pas, l’année suivante, Renaudot d’obtenir du Roi le privilège des Consultations charitables où les médecins, chirurgiens et apothicaires hostiles à la Facultés donnent des soins gratuits aux indigents tous les mardis, puis devant le succès de l’opération tous les jours. Renaudot imagine même faire bâtir un « hostel des consultations charitables », hôpital où l’enseignement fait au lit des malades compléterait les cours théoriques dispensés dans son école libre. Il obtient ainsi du Roi début 1643 un terrain pour son projet dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine.
Mais le vent commence à tourner défavorablement pour Renaudot avec la mort de Louis XIII en mai 1643, déjà précédée de celle de son protecteur, Richelieu, en décembre 1642. Le Roi et le Cardinal décédés, il a perdu tous ses appuis à la Cour. La Faculté de médecine qui n’attendait que cela, Gui Patin en tête, va en profiter pour poursuivre en justice Renaudot pour « exercice illégal de la médecine et utilisation de potions d’origine végétale à base d’antimoine ».
En mars 1644, le Parlement retire à Théophraste Renaudot tous ses titres, monopoles et privilèges. Il ne reste au malheureux que sa « Gazette » qui restée dans sa descendance jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, continuera à paraître jusqu’en 1915 et son bureau d’adresse.
Une fin misérable
Abattu, Renaudot va à son tour traîner Patin en justice, appuyé par la Faculté de Montpellier. Mais Gui Patin, personnage à la fois retors et spirituel, réussit à conquérir ses juges et se faire acquitter. Renaudot obtient néanmoins la nomination de ses fils à la Faculté où ils vont défendre les vertus du vin émétique à base d’antimoine. Au grand dam de Gui Patin, celui-ci sera maintenu au Codex et de l’adopter à l’unanimité en 1666, après qu’il ait contribué à la guérison de Louis XIV quand celui-ci fut frappé de sa « grande maladie » à Calais.
Entre-temps, Théophraste Renaudot, a connu une fin de vie misérable. Épuisé, sans ressources ou presque, sa pension de Commissaire général des pauvres ayant été supprimée. Il fut néanmoins remercié en 1646 pour sa fidélité à la couronne par un poste d’historiographe du roi en 1646. Après avoir été frappé plusieurs fois d’hémiplégie, le créateur de la « Gazette » meurt aux Galeries du Louvre dans son logement de fonction. Il est enterré à Saint-Germain l'Auxerrois où une dalle rappelle l’emplacement de sa sépulture.
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