S'appuyer sur le jeu et l'esprit d'équipe pour réduire le risque d'erreurs médicales au bloc, c'est l'idée du Dr Benjamin Terrasi, anesthésiste-réanimateur de 30 ans du CHU d'Amiens.
Son concept : enfermer une équipe de quatre personnes dans une pièce dont elle devra s'extraire en résolvant une énigme dans un temps limitée. Cela s'appelle com-scape, et c'est un escape game ou jeu d'évasion grandeur nature.
L'idée a germé il y a quelques années. Le Dr Benjamin Terrasi, alors interne, cherche un sujet pour son mémoire de DES et s'intéresse aux différentes causes de décès. Travaillant quotidiennement dans les blocs opératoires, il note que la mauvaise ou le manque de communication peuvent être sources de stress, d'insatisfaction et le cas échéant de danger pour le patient. « Aucun enseignement sur la coopération professionnelle et le management n'est dispensé au cours du cursus médical, précise le Dr Terrasi au « Quotidien ». Un professionnel de santé peut être très compétent techniquement mais il n'y a pas que ça qui compte quand on travaille en équipe. »
Féru d'escape game, le Dr Terrasi a élaboré sept ateliers (ou énigmes) destinés aux équipes de bloc (chirurgien, anesthésiste, infirmiers IADE et IBODE).
Comment ça se passe ? Juste avant de commencer le jeu, une histoire est contée à l'équipe. L'accroche est médicale. « On leur signale qu'un interne a disparu avec les transmissions et qu'ils doivent prendre en charge les patients », poursuit l'anesthésiste. Dans la salle, l'équipe doit fouiller, analyser et discuter pour résoudre le scénario. Dans la pièce annexe, le Dr Terrasi observe les faits et gestes de l'équipe de soins. Il peut être accompagné par d'autres collègues du service. « À la fin, qu'ils réussissent ou non la mission, il y a un débriefing, on analyse les points forts, les compétences utilisées et on essaye de transposer à des situations de soins quotidiens », ajoute-t-il.
9 % d'événements indésirables en moins
Le leadership, la résolution du problème, la coopération et la perception globale de la situation (savoir prendre du recul) sont analysés à l'aide du score Oxford Notechs II, une échelle permettant d'évaluer les compétences non-techniques. « On regarde s'ils ont utilisé les bons mots. Par exemple, entrer dans un bloc et dire "j'ai besoin d'1 mg d'adrénaline", c'est risquer de revenir quelques minutes plus tard et de ne rien trouver de prêt. Mais dire : "Il me faut 1 mg d'adrénaline, Lætitia, s'il te plaît, est-ce que c'est bon pour toi ?", là oui ! »
Une fois l'escape game terminé, les participants prennent un engagement personnel à améliorer leur pratique. Le Dr Terrasi leur envoie un questionnaire trois mois puis six mois après le jeu pour constater des évolutions. Depuis 2018, 128 personnes, soit 60 % des effectifs du service chirurgical du CHU d'Amiens, ont été formés, dont une partie au centre de simulation en santé d'Amiens (SimUsanté), qui hébergera le dispositif dès septembre. « On constate une diminution de 9 % des événements indésirables déclarés liés à la communication », indique le Dr Terrasi. Le jeune inventeur souhaite déployer son outil en dehors de son service. Il a fait ses premiers pas dans un EHPAD des Hauts-de-France pour former une équipe pluriprofessionnelle.
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