Chez les plus de 65 ans

Reconnaître et traiter une dépression

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Publié le 10/11/2016
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En raison des comorbidités nombreuses qui affectent la qualité de vie, la proximité avec la mort, la société qui n’est pas toujours bienveillante avec ses aînés, les risques de dépression après 65 ans ne sont pas négligeables.

« Circonstance aggravante, souligne le Dr Olivier de Ladoucette, ces états dépressifs sont méconnus, et s’ils le sont, identifiés et traités, ils le sont de façon inadaptée : avec des anxiolytiques uniquement parce que la composante anxieuse est prédominante, ou à doses trop faibles au prétexte que la personne est âgée. » Or, la dépression, quand elle n’est pas correctement soignée, est un facteur de risque pour des pathologies somatiques, infectieuses et tumorales notamment. Par ailleurs, la pathologie dépressive fait le lit ou accélère la survenue de maladies neurodégénératives de type Alzheimer. Enfin, « les tentatives de suicide à cet âge sont une fois sur deux “réussies“ chez les hommes, une fois sur 4 chez les femmes. Près de 80 % d'entre eux ont pourtant consulté un médecin dans le mois qui précède le passage à l’acte », signale le Dr de Ladoucette.

Tableau clinique très variable

Le tableau clinique est très variable, avec au premier plan l’anxiété. La dépression est parfois masquée, par un symptôme physique, une souffrance mal systématisée (des maux de tête, de dos, chroniques) : des plaintes algiques répétées et une humeur triste récurrentes (avec un discours centré sur les souvenirs douloureux) doivent alerter. « Gare encore aux dépressions "masquantes", qui cachent un problème organique, une tumeur cérébrale (le patient est souvent triste et prostré) ou un cancer (pulmonaire ou hépatique) qui se développe à bas bruit », poursuit le Dr de Ladoucette. À l’anxiété, s’ajoute la triade classique de la dépression, tristesse, ralentissement et troubles du sommeil, avec une insomnie plus volontiers du petit matin. Le médecin doit alors se convaincre de la réalité de la dépression… et son patient aussi qui estime normal d’être triste et considère la dépression comme un signe de faiblesse.

Ce qui doit mettre la puce à l’oreille, ce sont les changements par rapport à l’humeur ou le sommeil habituel. Les troubles cognitifs, de l’attention et de la concentration, sont habituellement associés à la dépression. Il conviendra de les réévaluer une fois que les symptômes dépressifs seront amendés pour ne pas méconnaître une maladie d’Alzheimer (qui débute dans 20 % des cas par une dépression). La prise en charge est globale ; elle comprend un bilan somatique, clinique et biologique, à la recherche d’une hypothyroïdie ou d’une hyponatrémie en particulier.

Molécules dépressogènes

L’ordonnance est « épluchée » pour débusquer les molécules dépressogènes : certains antihypertenseurs, les stabilisateurs de vessie anticholinergiques, certains psychotropes, etc. Il s’agit ensuite d’évaluer la façon dont cette souffrance s’inscrit dans la vie du patient, le contexte et la durée. Les antidépresseurs, des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, sont introduits progressivement pour atteindre la dose conseillée (celle d’un adulte indemne d’insuffisance rénale ou hépatique).

« Pas de demi-dose ! », exhorte le Dr de Ladoucette. Et puisque les antidépresseurs ont un effet seuil, en dessous duquel leur efficacité n’est pas suffisante, il convient de revoir le patient à 15 jours de l’initiation du traitement, puis un mois et d’ajuster les doses s’il le faut. Sur des troubles du sommeil non résolus par l’antidépresseur seul ou une dépression massive, on associe un anxiolytique, pour quelques semaines. « Le traitement d’une dépression est d’au minimum 4 mois, plutôt 6 ; en cas de récidive, il doit être poursuivi ad vitam æternam », indique le Dr Deladoucette. À surveiller, la natrémie (qui peut baisser) surtout en cas de co-prescription d’un diurétique, et éventuellement l’ECG (un allongement de QT).

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du médecin: 9533