Ezétimibe

Quelle place en 2015 ?

Publié le 18/06/2015
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L’abaissement du LDL reflète la dose de la statine utilisée

L’abaissement du LDL reflète la dose de la statine utilisée
Crédit photo : PHANIE

La place des traitements pouvant réduire le risque cardiovasculaire par une action sur les lipides est dépendante du modèle que l’on prend pour l’évaluer. Dans un modèle classique, soutenu par l’hypothèse lipidique, un traitement peut être proposé en prévention cardiovasculaire (CV) dès lors qu’il modifie dans un sens jugé favorable les taux plasmatiques de divers paramètres lipidiques (cholestérol total, LDL, HDL et/ou triglycérides). Des essais effectués avec des statines ayant montré que plus le LDL est diminué, plus le risque CV est bas, des cibles de LDL ont été proposées comme objectif thérapeutique. Dès lors, tout traitement permettant de diminuer le LDL afin d’atteindre ces cibles pourrait être prescrit selon ce modèle classique.

Ce modèle a cependant des limites. La première est qu’il n’a jamais été validé scientifiquement : en effet, aucun essai thérapeutique n’a évalué l’effet clinique de l’obtention d’une valeur prédéfinie de LDL. Par ailleurs, seules les études faites avec des statines ont eu un résultat favorable et aucune n’avait comme objectif d’évaluer une cible de LDL. Ces essais évaluaient des doses diverses de statines, parfois une forte dose contre une faible dose. Il peut donc aussi être conclu de ces études que l’abaissement du LDL reflète la dose de la statine utilisée, et que ces études ont démontré que plus une dose de statine est élevée, plus ample est le bénéfice clinique obtenu, indépendamment du LDL initial et du LDL obtenu. Ensuite, quelques études ont montré que certaines molécules peuvent diminuer le LDL mais n’apportent pas de bénéfice clinique. Par exemple, dans l’étude ILLUMINATE, le LDL a été diminué de 25 % par le torcetrapib mais, tant la mortalité totale que la mortalité CV ont augmenté significativement.

Enfin, malgré la réalisation de très nombreux essais thérapeutiques, il n’a jamais été démontré que l’augmentation du HDL et/ou la diminution des triglycérides apporte un bénéfice clinique quelconque.

Dans ce contexte, avant novembre 2014, la place de l’ézétimibe, pouvait être envisagée de deux façons différentes. La première, conforme à l’hypothèse lipidique, postule qu’elle peut et/ou doit être prescrite en sus ou en place des statines, en cas d’intolérance à ces dernières, pour atteindre la cible de LDL recommandée. La deuxième postule que, quel que soit l’effet lipidique d’un traitement, il ne doit être proposé que s’il a été démontré que son rapport bénéfice/risque est en faveur de sa prescription. Ce traitement doit donc avoir été évalué dans un essai thérapeutique contrôlé de puissance suffisante afin de démontrer que ses éventuels risques spécifiques ne grèvent pas son bénéfice clinique potentiel. Dans ce contexte, l’ézétimibe ne devait pas être proposée en thérapeutique, et ce, jusqu’en 2014.

Validation de l’ézétimibe

En 2014, une étude dénommée IMPROVE IT, a démontré, pour la première fois, que l’ézétimibe réduit le risque CV. Cet essai thérapeutique contrôlé, mené en double aveugle contre placebo, a inclus 18 144 patients dont le LDL était en moyenne à 0,95 g/l lors d’un syndrome coronaire aigu de moins de 10 jours. Durant l’étude, dans le groupe sous placebo, le LDL a été abaissé en moyenne à 0,69 g/l et dans le groupe sous ézétimibe à 0,54 g/l.

Au terme d’un suivi moyen de 7 ans il est survenu 5 314 événements du critère primaire : décès CV, IDM non fatals, hospitalisations pour angor instable, revascularisations coronaires après les 30 premiers jours et AVC. L’étude a démontré que, comparativement au placebo, l’ézétimibe réduit significativement ces événements (HR : 0,936 ; IC 95 % : 0,887-0,988 ; p = 0,016), de même que les IDM (HR : 0,87 ; p = 0,002) et les AVC ischémiques (HR : 0,79 ; p = 0,008). En revanche elle ne modifie pas le risque de revascularisation coronaire (HR : 0,95 ; p = 0,107), de décès CV (HR : 1,00 ; p = 0,997) ou de décès toute cause (HR : 0,99 ; p = 0,782).

Ainsi, au terme de cette étude il est démontré que l’ézétimibe apporte un bénéfice clinique. Mais celui-ci est faible en valeur relative (6,4 %) et n’est apparu significatif que parce que 5 314 événements ont pu être colligés. Dès lors, sa pertinence clinique peut être discutée et la raison d’un si faible bénéfice pose question.

La faiblesse de cette réduction relative du risque est-elle due au fait que les patients recevaient tous une statine, au fait que le LDL atteint a été très bas ou est-elle consubstantielle à la molécule ? Cette dernière hypothèse parait aujourd’hui la plus plausible car la réduction du risque a été proportionnelle à la diminution du LDL obtenue lorsqu’il est pris comme support d’analyse une droite de régression corrélant la baisse du LDL obtenue sous statine et la baisse des événements CV associée.

Ainsi, l’ézétimibe apporterait un bénéfice clinique qui serait faible car proportionnel à la baisse du LDL qu’elle permet, diminution elle-même faible (15 à 20 %). Enfin, ce bénéfice clinique n’a été affirmé que par une seule étude, conduite exclusivement en prévention secondaire, et non confirmé par une deuxième étude, notamment en prévention primaire.

Après les statines ou en cas d’intolérance de celles-ci

Les différents éléments exposés permettent d’envisager la place de l’ézétimibe à l’aune du modèle reposant sur des faits établis et non sur des hypothèses de causalité, notamment l’hypothèse lipidique.

Le bénéfice clinique des statines est parfaitement établi et est proportionnel à la dose utilisée. Cette classe thérapeutique est donc la classe prioritaire à utiliser pour réduire le risque CV par une action sur les paramètres lipidiques et ce, tant en prévention secondaire que primaire.

Du fait de son niveau de preuve de bénéfice encore faible, de son effet clinique modeste, l’ézétimibe devrait pouvoir ensuite être envisagée dans les circonstances où le risque CV reste élevé malgré l’utilisation d’une dose maximale tolérée de statine ou en cas d’intolérance aux statines. Les suites d’un syndrome coronaire aigu constituent une telle circonstance, comme le démontre l’étude IMPROVE IT. Enfin, rien n’indique que, tant les statines que l’ézétimibe doivent être utilisés en fonction d’une valeur initiale de LDL et jusqu’à l’obtention d’une cible quelconque de LDL.

Dunkerque
Dr François Diévart

Source : Bilan spécialiste