«ØLA TRIPLE MISSION (soins, enseignement, recherche) qui a été confiée en 1958 aux CHU reste un modèle d’excellence. C’est ce modèle qui a permis à la France de se doter d’un système de soins toujours considéré comme l’un des meilleurs du monde. Mais il est clair qu’il faut aujourd’hui faire évoluer ce modèle pour permettre aux CHU de gagner en compétitivité, notamment dans le domaine de la recherche biomédicale. Et cela passe nécessairement par l’émergence de centres de très haut niveau capables, sur une thématique particulière, de jouer les premiers rôles au niveau international », explique le Pr Jacques Marescaux, président fondateur de l’IRCAD (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif) à Strasbourg.
En 2009, la commission, présidée par le Pr Marescaux, a remis au gouvernement un rapport sur l’avenir des CHU, qui dressait un constat sans concession du paysage hospitalo-universitaire, en particulier dans le domaine de la recherche. « Malgré des poches d’excellence reconnues, la production scientifique biomédicale française stagne et est en retrait vis-à-vis de celle de nos voisins ; le dépôt de brevets est en déclin. En dépit d’une priorité publiquement affichée, la France a insuffisamment soutenu la recherche en sciences du vivant (les États-Unis y investissent aujourd’hui quatre fois plus par habitant que la France). Par ailleurs, le système de recherche biomédicale français est complexe, insuffisamment coordonné et lisible », soulignait le rapport.
Six IHU.
Parmi ses propositions, le rapport préconisait le développement de quelques centres de haut niveau rivalisant (pour l’ensemble des trois missions des CHU) avec les références mondiales en la matière et positionnés comme des pôles d’attractivité des meilleurs talents au niveau international. « Au départ, le souhait de la commission était de proposer que chaque CHU devienne un pôle d’excellence au niveau international dans une spécialité unique. Mais, rapidement, il est apparu que cela serait impossible à réaliser sur le plan financier. Si l’on voulait vraiment des centres de très haut niveau, il fallait qu’ils soient moins nombreux », explique le Pr Marescaux, qui se félicite de la décision, prise dans le cadre du Grand Emprunt, de créer six instituts hospitalo-universitaires (IHU).
C’est en mars 2011 que le gouvernement a annoncé que l’IHU de Strasbourg avait été classé premier (ex aequo avec Necker et Marseille) parmi l’ensemble des projets. Cet IHU vise à faire émerger une nouvelle spécialité médicale, la chirurgie invasive guidée par l’image (MIX-Surg). Très ambitieux, ce projet s’appuie sur des compétences interdisciplinaires et de forts partenariats industriels, et rassemble plusieurs spécialités médicales actuellement séparées pour parvenir à réaliser des interventions chirurgicales hybrides combinant gestes chirurgicaux et guidage par l’image.
Un partenariat public-privé.
À ce jour, l’IHU de Strasbourg a déjà reçu plus de 80 millions d’euros en provenance de l’industrie et de partenaires privés. « Dans ce type de projet, le partenariat public-privé est évidemment essentiel. Pendant les six mois de préparation du projet, nous avons dit aux industriels qu’il fallait qu’ils nous donnent au moins autant que ce que nous donnait l’État. Sinon, la démarche ne serait pas crédible. Ce message est très bien passé, en particulier pour l’investissement en faveur de l’imagerie interventionnelle et peropératoire. Par exemple, Siemens Healthcare a fait le plus gros investissement jamais réalisé par cette société en France. La démarche a été identique de la part d’un autre de nos partenaires majeurs, la société allemande Karl Storz-Endoskope. Au total, nous avons pu bénéficier d’un investissement de plus de 15 millions pour mettre en place des blocs opératoires « intelligents ». Ce soutien des industriels nous a permis de mettre en place une plate-forme unique sur laquelle nous avons pu nous appuyer pour attirer des médecins et des chercheurs de très haut niveau, en particulier les professeurs Swanström (États-Unis), Hochberger (Allemagne) ou Inoue (Japon). C’est très important d’avoir les meilleurs dans chaque domaine au niveau international », indique le Pr Marescaux, en insistant sur la volonté de l’IHU de développer un ambitieux programme de R &D translationnel. « C’est aujourd’hui primordial d’avoir la politique de transfert le plus rapide possible », souligne-t-il.
Sinon, le Pr Marescaux, met en exergue deux autres mesures adoptées à la suite de son rapport.
« La première est la nomination des directeurs généraux des CHU en Conseil des ministres, suite à un
rapport conjoint des ministères de tutelle (Santé, Recherche et Enseignement supérieur) auprès desquels ils seront appelés à rendre compte de leur action sur chacune des trois missions de leurs établissements. La deuxième mesure est la mise en place d’une réelle transparence sur l’allocation des financements MERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation). Certains établissements, comme le CHRU de Lille, sont très en pointe sur cette transparence, mais ce n’est pas le cas partout », précise enfin le Pr Marescaux.
D’après un entretien avec le Pr Jacques Marescaux, président fondateur de l’IRCAD et chef de service de chirurgie digestive et endocrinienne au CHRU de Strasbourg.
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