La France dispose avec le Système national des données de santé (SNDS) de l’une des plus importantes bases de données médico-administratives au monde et son potentiel est très important. Mais l’absence de données codant notamment les diagnostics et les résultats des examens doit être rappelée. Le rapport sur le « Health Data Hub » considère que le SNDS est un avantage compétitif pour la France. Et il propose d’enrichir le patrimoine des données de santé grâce à l’intégration de données issues de cohortes, des dossiers patients informatisés et des registres. Les registres des cancers les plus aboutis permettent d’agréger de nombreuses données telles que les comptes rendus d’anatomo-cyto-pathologie, les résumés d’hospitalisation, les résultats de réunions multidisciplinaire, les données de l’assurance maladie (ALD), les données biologiques et les actes de radiothérapie libéraux (exemple du registre global des cancers de Poitou-Charentes). Conçus à l’origine pour l’épidémiologie, les registres sont désormais reconnus à l’international comme un pilier indispensable pour la conduite et le suivi des plans cancers. L’OMS et l’Union européenne préconisent depuis longtemps une couverture de 100 % de la population. Or les taux de couvertures sont très variables entre pays. Les registres centralisés ou fédératifs les plus avancés couvrent déjà 100 % de la population : dans cette catégorie on trouve la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark ; les NHS britanniques d’Angleterre, d’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord ; la Hollande, l’Autriche, l’Irlande et le Portugal. Le réseau des registres des pays nordiques concerne 26 millions d’habitants et enregistre 100 % des tumeurs solides avec 60 ans d’antériorité. Les pays les plus retardataires, dont la France, la Pologne et la Roumanie ne dépassent toujours pas 20 %. Or l’exhaustivité est devenue indispensable pour le suivi, au niveau local, des parcours de soins des personnes atteintes de cancer, pour la connaissance des délais d’accès aux modalités diagnostiques et aux traitements, pour l’évaluation de la qualité, de la sécurité et la pertinence des actes : autant d’objectifs qui dépassent la vision épidémiologique « historique » des registres.
Ainsi, les délais dans le parcours de soins sont disponibles en ligne sur un site de Public Health England pour tous les territoires de santé du NHS anglais. Ce premier volet de santé publique a été reconnu comme une priorité par d’autres pays considérés comme retardataires et les taux de couverture de l’Allemagne et l’Italie dépassent désormais les 60 %. Les données des registres vont également s’avérer indispensables pour fournir les données permettant l’évaluation de l’efficacité « en vie réelle » des nouveaux médicaments ayant obtenu des AMM accélérées. Les registres alimenteront également les plateformes translationnelles qui permettront le « pilotage clinique » de la recherche et une meilleure exploitation des données du séquençage, ce qui avait fait dire à un ex-président de l’ASCO « qu’en l’absence d’une telle infrastructure, la recherche contre le cancer marquera le pas ». À plus long terme, une telle infrastructure rendra possible l’avènement d’un véritable système en boucle d’aide à la décision pour l’amélioration des prises en charge diagnostiques et thérapeutiques tirant le meilleur parti d’une « pratique fondée sur les preuves » qui devrait progressivement bénéficier de l’apport de l’intelligence artificielle appliquée à nos « jumeaux numériques ».
Les deux rapports évoqués dans cette tribune, le dossier communiquant de cancérologie franc comtois et le registre des cancers de Poitou-Charentes avaient pour caractéristique de ne pas compter de centre de lutte contre le cancer et ont été incités à disposer de ces solutions pour connaître les parcours de soins des personnes atteintes de cancer. Finalement, si nous pouvons compter sur la puissance potentielle de sa base de données centralisée du SNDS, et justifier ainsi un certain jacobinisme, la réalité de terrain est néanmoins préoccupante, vu la faiblesse de l’organisation française des registres et la stagnation du taux de couverture de la population malgré des initiatives isolées. Un plan national serait justifié pour permettre de rattraper le retard compte tenu des enjeux bien identifiés et des ambitions affichées.
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