Dans les années quatre-vingt, Nanni Moretti n'est pas encore un cinéaste reconnu au niveau internationnal. Avec Bianca et surtout La messe est finie, vient le temps des récompenses internationales. Son personnage que l'on retrouve de film en film brise pourtant les codes du héros positif. Colérique, violent voire plus si antipathie, Michele Apicella se refuse à tout compromis. L'époque est (déjà) désespérante. L'espoir a fait naufrage. Et les amitiés nouées dans les années soixante-dix se terminent encore plus mal que les histoires d'amour. Loin de Woody Allen auquel on l'a souvent associé, Michele est un animal solitaire qui supporte de moins en moins ses contemporains surtout lorsqu'ils trahissent leurs idéaux de jeunesse. Dans Bianca, le profil psychologique du professeur de mathématiques au Lycée Maryline-Monroe qui se régale de tartines de Nutella, amoureux fou de la belle professeure de français ne se réduit peut-être pas à un simple cas de régression infantile. Quant au jeune curé de la Messe est finie, sa conduite au quotidien n'est pas toujours très orthodoxe. La morale a certes déserté depuis longtemps les familles les plus classiques. Mais enfin, faute d'espérance, on peut encore vivre ensemble comme l'illustrent les dernières images. Ces deux films réédités en DVD après une sortie en salles en 2019 témoignent de la noirceur, de l'asphyxie d'une époque qui ne croyait ni au ciel ni aux lendemains et ne cultive aucune nostalgie. Nanni expulse de son cinéma toute séduction facile. Et lorsque l'humour surgit à l'improviste, c'est bien parce qu'il est le passager clandestin de situations absurdes.
Avec Tootsie sorti en 1982, un film de Sydney Pollack, Hollywood s'adapte aux temps nouveaux. C'est peut-être la crise pour les acteurs de théâtre shakespeariens. Mais la télévision impose ses diktats. Et serait prête à consacrer comme vedette une femme acariatre prête à prendre le pouvoir, sauf peut-être à être interprétée par Dustin Hoffman... Là aussi, le héros du film du moins dans la première partie n'est guère sympathique. L'époque a abandonné toute ambition artistique. Simplement de ce côté de l'Atlantique, on n'exhibe pas ses états d'âme, le succès étant le seul critère de jugement. Avec Tootsie, Sydney Pollack revisite Certains l'aiment chaud, le chef d'oeuvre de Billy Wilder. Mais le nouveau résiste moins bien au temps que le modèle. Le film se laisse toutefois regarder sans ennui. Et on est encore séduit par la performance d'acteur de Dustin Hoffman. Au final, Tootsie sera un grand succès commercial. Près de quarante ans plus tard, ces trois films témoignaient chacun avec leurs moyens de la fin d'une époque, et surtout de l'avènement d'un nouveau monde où triompheront la vulgarité, le mauvais goût, l'outrance. Et là, Nanni Moretti ne sera pas déçu...
Viva Nanni, Bianca et la messe est finie. A noter dans les suppléments le portrait de Nanni Moretti par André S Labarthe au temps où la télévision lorsqu'elle parlait de cinéma ne se contentait pas de la seule promotion. éditions Carlotta, 30 euros.
Tootsie, coffret ultra collector Blu-ray+DVD+ Livre. Editions Carlotta, 50 euros.
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