Mort de Jean Bernard, hématologue, cancérologue et membre de l’Académie Française. Né le 26 mai 1907 dans une famille d’ingénieurs – son père était centralien et son grand-père polytechnicien – Jean Bernard est envoyé alors que la Première Guerre mondiale vient d’éclater, à l’école communale de Coueron, en Loire-Atlantique.
De retour à Paris, il intègre le Lycée Louis-le-Grand où, pour la petite histoire, il monte une pièce de Victor Hugo « Mangeront-ils ? » avec deux condisciples et pas n’importe lesquels : Claude Levi-Strauss, l’ethnologue auteur de « Tristes tropiques », qu’il retrouvera à l’Académie Française, et Pierre Dreyfus, le futur patron de Renault…
Attiré par une carrière littéraire, Jean Bernard finit cependant par succomber aux sirènes de la médecine qui, selon ses propres dires, lui paraît allier l’humanisme et son goût pour les sciences.
Devenu interne des hôpitaux en 1929, après avoir poursuivi ses études à la Faculté de médecine de Paris et à l’Institut Pasteur, Jean Bernard intègre le service du Pr Paul Chevallier, hématologue reconnu qui va le faire se passionner pour cette discipline.
En 1933, il entame sa thèse sur la leucémie et obtient son doctorat en médecine en 1936. La Deuxième Guerre mondiale va cependant interrompre ses recherches. Résistant de la première heure, dès 1940, on le retrouve en 1942, sur les plateaux du Vivarais où il dirige les opérations de parachutage d’armes sur le Sud-Est de la France. Fait prisonnier en 1943, il est incarcéré six mois à Fresnes, mais, à peine libéré, il reprend sans relâche ses activités dans la Résistance jusqu’à la capitulation allemande le 8 mai 1945.
La guerre terminée, Jean Bernard reprend le cours de ses études, suivant notamment les cours de bactériologie de Robert Debré.
En 1947, il crée avec son ami, Jean Hamburger, l’Association pour la recherche médicale qui deviendra, en 1962, la Fondation pour la recherche médicale. Cette même année,, alors qu’il travaille à l’hôpital Ferdinand-Hérold, dans le XIXe arrondissement, il obtient avec Marcel Bassis la première rémission de leucémie chez un enfant. « Plus je vais et plus la mort d’un enfant et la maladie me paraissent scandaleuses » restera sa phrase credo tout au long de sa vie.
En 1950, il décrit la première leucémie chimiquement induite chez l'homme : l'hémopathie benzénique observée chez les sujets travaillant dans les industries qui utilisent le benzène. Cette étude permettra par la suite à Jean Bernard d’aborder le traitement curatif de la leucémie.
Jean Bernard se voit confier en 1954 la direction du Centre de recherches expérimentales sur la leucémie et les maladies du sang. Professeur de cancérologie médicale et sociale, il est nommé chef de service à l’hôpital Saint-Louis en 1957 où son humanisme fait merveille comme le rapporte son colègue, le Pr Binet, spécialiste de réanimation cardiaque dans le meme hôpital : « Les malades étaient fascinés par sa façon d’être. Il avait un esprit de synthèse tellement fulgurant qu’il arrivait très vite à formuler des solutions pratiques, dans une discipline pourtant complexe. Très présent dans son service, partisan du temps plein à l’hôpital, il recevait les familles de ses petits malades dès huit heures le matin et savait les rassurer ».
La prestigieuse carrière de Jean Bernard, qui se sera toujours préoccupé de « l'absence totale de progrès de la sagesse face aux prodigieux progrès de la science et des techniques », se poursuit en 1958 avec son intronisation au Comité consultatif de la recherché scientifique, un cénacle de douze sages chargé de conseiller en matière de politique de santé le Général de Gaulle arrivé au pouvoir.
En 1961, alors qu’il a pris la tête de l’Institut de recherché sur les leucémies et les maladies du sang, à l’hôpital Saint-Louis, il isole la rubidomycine, une substance se révélant efficace contre la leucémie.
Professeur de de clinique des maladies du sang (1965) à la Faculté de médecine de Paris, Jean Bernard préside de 1967 à 1980 l'Institut national de la santé et de la recherche médical (INSERM), dont il demeurera haut-conseiller auprès du directeur-général. Membre du conseil d'administration de l'Institut Pasteurde 1967 à 1970, il est successivement membre (1972-80), vice-président (1980-82) puis président (1982-84) de l'Académie des sciences. En 1980, il quitte la direction du service d'Hématologie et de Cancérologie de l'hôpital Saint-Louis.
Le Pr Jean Bernard a aussi été reçu sous la coupole le 15 mai 1975, au 25e fauteuil, succédant à Marcel Pagnol et y a prononcé le disours de réception à l’Académie Française de son ami, le Pr Hamburger, en 1986.
Le Pr Jean Bernard est mort le 17 avril 2006 à l’âge de 98 ans, non sans avoir laissé une prediction sur ce que serait la médecine du XXIe siècle : « La médecine du XXIe siècle sera une médecine de prévention, de prédiction. Elle parviendra, assez souvent, à éviter l'apparition des maladies, à remettre de l'ordre dans le corps, à corriger les cellules malignes au lieu de les détruire. Tout à la fois, elle reconnaîtra le caractère unique de chaque être humain et s'efforcera d'être universelle ».
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