Le chirurgien personnel de Philippe le Bel et de Louis X le Hutin est né en Normandie en 1260. Où précisément ? Certains penchent pour Mondeville, près de Caen alors que les autres sont partisans d’une naissance à Ermondeville, près de Valognes, dans la Manche.
De ses études, on ne sait pas grand-chose non plus sinon qu’il les fit vraisemblablement à Montpellier avant de partir à Bologne se former auprès de Théodoric, qui lui apprend notamment le traitement des plaies, et Guillaume de Salicet.
Ce dont on est sûr, en revanche, c’est qu’il enseigna à Montpellier où Gui de Chauliac fut un de ses élèves avant qu’en 1301 il soit appelé à la cour avec le titre de chirurgien royal de Philippe IV le Bel, ce qui va l’amener à fréquenter les champs de bataille et ainsi à étudier des méthodes pour traiter les blessés en armure. C’est grâce à Jean Pitard, son maître, normand comme lui, que de Mondeville doit sa nomination. Jean Pitard qui est resté célèbre pour avoir obtenu du roi l’ordonnance qui va interdire aux barbiers toute opération chirurgicale sans avoir subi l’examen d’aptitude en présence des chirurgiens jurés de Saint-Côme.
Un monumental ouvrage sur la chirurgie en cinq volumes
À partir de 1304, de Mondeville va enseigner l’anatomie et la chirurgie à Paris tout en commençant à écrire sa monumentale « Cyrurgia » qu va en faire le plus ancien auteur français à avoir écrit sur la chirurgie.
Cet ouvrage devait à l’origine comporter cinq tomes, mais la maladie (vraisemblablement une tuberculose) a fait qu’il n’a pu venir à bout que des quatre premiers.
La première partie est consacrée à l'anatomie. le deuxième aux plaies, le troisième aux maladies qui ne sont ni des plaies, ni des ulcères, ni des affections des os et pour le traitement desquelles on a recours à la chirurgie, et le cinquième traité est l’antidotaire. Le quatrième tome consacré aux fractures ne sera jamais rédigé.
Les chirurgiens plus précis, les médecins trop philosophes
De Mondeville, tout au long de sa vie va tenter de réconcilier la médecine et la chirurgie, même s’il pense que la chirurgie exige plus de savoir que la médecine. Il est persuadé aussi que les chirurgiens sont plus précis que les médecins qui ont trop tendance à verser dans la philosophie. Enfin, pour montrer la supériorité du chirurgien par rapport au médecin, il en réfère à Dieu lui-même qui « fut chirurgien praticien lorsque du limon de la terre, il forma le premier homme et que de ses côtes, il fit Eve ».
Techniques de désinfection des plaies, de bandage et de sutures
De Mondeville avait une conception de la chirurgie totalement moderne. Fidèle à ce que Théodoric lui a enseigné à Bologne, il préconise ainsi d'abandonner la suppuration des plaies, au profit de leur assèchement et désinfection. La technique préconisée d’Henri de Mondeville est la suivante :
- ne pas sonder ni élargir les plaies ;
- enlever les corps étrangers et les petites esquilles d’os ;
- réunir les lèvres de la plaie et suturer si besoin ;
- nettoyer au vin chaud et dessécher avec des étoupes exprimées (le vin, hormis l’alcool qu’il contient, de part sa teneur en tanin est un excellent antiseptique) ;
- appliquer un emplâtre sur la plaie et le recouvrir avec des étoupes trempées dans le vin chaud et exprimées ;
- faire le bandage dans les règles de l’art.
« Le bandage qui intéresse l'ensemble du membre inférieur est avantageux parce qu'il évacue par le bas les humeurs qui infiltrent la jambe et l'ulcère », écrit de Mondeville et il faut :
- que les bandes soient propres, molles, légères et douces ;
- que les bandes n’aient ni coutures grosses et dures, ni pli, ni lisière ;
- que si, du fait de la longueur de la bande, il faille avoir recours à des coutures, qu’elles se trouvent toujours du même côté de la bande et qu’elles ne soient pas en contact avec la partie lésée du membre ;
- que les bandes doivent être proportionnées en longueur et en largeur au membre à bander ;
- que le bandage recouvre la plaie et les parties voisines ;
- que le bandage soit modérément serré, ni trop, ni trop peu. Une bande trop serrée provoque douleurs et gangrène du membre, entraînant ainsi l’amputation. Une bande trop lâche n’a aucune utilité ;
- la bande soit plus serrée sur la plaie que sur les parties voisines ;
Concernant les sutures, il écrit :
- les aiguilles utilisées doivent être triangulaires, aiguës, de bon acier et propres. Elles doivent être en rapport avec la plaie à suturer ;
- les fils doivent être proportionnels à l’aiguille et à la plaie ;
- les points doivent plus ou moins profonds suivant l’importance de la blessure ;
- la suture doit être moyennement serrée : trop lâche elle n’arrête pas le sang et n’unit pas suffisamment les berges de la plaie ; trop serrée, elle est douloureuse, et déchire la peau ;
- plus les plaies sont suturées tôt, mieux elles cicatrisent.
Henri de Mondeville fut particulièrement fier de son métier de chirurgien et il n’avait aucun doute sur son salut après sa mort qui survint le 12 juin 1320 :
« Chirurgiens, , si vous avez opéré chez les riches moyennant des honoraires appropriés, et chez les pauvres par charité, vous n'avez à craindre ni feu, ni pluie, ni vent. Point n'est besoin pour vous de vous rendre dans les lieux de culte ni d'effectuer des pèlerinages de pénitences : votre science sauve votre âme… et vous aurez grande récompense au paradis. »
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