En 1789, le curé de Sainte-Pezenne (devenu depuis un quartier de Niort) a eu une bonne idée : sur les registres paroissiaux, chaque décès était accompagné par le motif médical du décès. Il est fait mention de 4 décès d’enfants de moins de 4 ans par rougeole pour une population de 1880 habitants ! En supposant une épidémie équivalente sur toute la France, à la date d’aujourd’hui, cela ferait 209 375 décès !
En 1791, c’était 4 décès par coqueluche au même lieu chez les moins de 3 ans ! Bien évidemment, tous les décès de l’époque n’étaient pas dus aux femmes enceintes, aux déficients immunitaires, aux encéphalites, et autres formes graves sur terrain prédisposé. Il s’agissait plus certainement d’un déficit de soins primaires chez les enfants : mauvaise gestion du lavage de nez, de la fièvre (pas d’aspirine, encore moins de paracétamol), de la déshydratation, pas de vaccinations... Sans oublier l’insalubrité de nos cités du ressort des politiques : jusqu’au XIXe siècle, Niort était traversé par un canal de récupération à moitié à ciel ouvert. Son nom était « le Merdusson », ça veut tout dire ! Mais aujourd’hui, le Merdusson est remplacé par la pollution automobile ou autres, chaque époque a ses choix politiques de pollution par ignorance, sans doute pires aujourd’hui qu’hier.
Peut-on nier que la plus grande victoire de la médecine soit la baisse de la mortalité infantile ? Certains dirons que pour eux, c’est la vaccination contre la variole. On peut gagner une grande bataille et perdre la guerre, la variole n’est qu’un combattant parmi d’autres.
Vers 1740, la mortalité infantile était estimée à 30 % avant l’âge d'un an. Selon l'Insee, elle était de 3,5‰ en 2014, hors Mayotte. Effroyable autrefois, elle est réduite à sa plus simple expression aujourd’hui. Mais pourquoi s’arrêter à un an ? Je me suis amusé à faire des statistiques sur ma famille niortaise, dont 8751 membres sont nés entre 1600 et 1850. Sur cette période, 6 % de mortalité à la naissance, 22 % à un an. Entre 1701 et 1750, la moitié mourraient en moyenne avant l’âge de 4 ans et demi, entre 1751 et 1800, la moitié avant 8 ans, entre 1801 et 1850 avant l’âge de 24 ans. Mieux, pire en ville qu’à la campagne, encore une histoire de pollution !
Chacun tire la couverture à soi. Les politiques disent que c’est grâce à leur politique de santé publique, les médecins que c’est grâce à eux, car en première ligne. N’en déplaise, c’est grâce aux progrès de la science, mis en application en bonne intelligence et par les médecins, et par les politiques, mais aussi par les patients : efficacité triadique obligatoire, avec chacun ses responsabilités. Soins prodigués à l’individu, directives sur une population, éducation des foules, mais aussi écologie de nos cités avec ses multiples pollutions.
Avant 2019, la vaccination contre la rougeole n’avait jamais été obligatoire, et pourtant les médecins vaccinaient la population. La rougeole avait régressé, avec une intervention politique limitée à la seule mise sur le marché du vaccin. Cela fait 20 ans que l’on revoit des rougeoles, de plus en plus. Doit-on accuser les généralistes de ne plus faire leur travail ? C’est dans l’air du temps, à mots couverts, avec le démantèlement de la médecine générale, et le transfert de vaccination chez le pharmacien, vécu comme mesure vexatoire contre les médecins. Peut-on accuser les foules ? Des médecins le font, alors que c’est zone interdite que d’accuser un électeur, sauf subliminalement par obligation vaccinale, langage politique oblige. Doit-on évoquer un échec cuisant de santé publique, par incapacité à faire passer un message scientifiquement valide ? Inimaginable ! Il faut un bouc émissaire acceptable publiquement, hors la triade pour ménager chèvre et chou : les lanceurs de fake news ; on invoque le retour de Satan qui est plus fort que Dieu et tous les spécialistes en communication réunis !
La victoire sur la mortalité infantile peut être vue comme principalement la victoire de la médecine de soins primaires (se désinfecter les mains avant d’effectuer un accouchement, c’est du soin primaire fait par un spécialiste). En haut lieu, elle a rempli complétement sa mission, aussi la médecine de soins primaire isolée n’est plus du ressort du généraliste, il doit passer la main aux paramédicaux et penser à devenir un spécialiste à part entière, qu'il est devenu à force de pleurer car on a besoin de lui à l’autre extrémité de la vie, résultat de la deuxième grande victoire de la médecine, celle spécialisée cette fois-ci, l’augmentation de l’espérance de vie. Mais c’est une autre histoire à raconter.
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