Bien que la Haute Autorité de santé (HAS) recommande la réalisation régulière de bilans visuels et auditifs chez les enfants de moins de 6 ans ainsi qu'à l'âge de 12 ans, ceux-ci, facultatifs, ne sont pas systématiquement effectués. Selon le ministère de l'Éducation nationale, en 2015-2016, seulement 47,5 % des élèves ont bénéficié d'un bilan de santé lors de leur 6e année (1). Or, l'apprentissage de la lecture, « colonne vertébrale de tous les apprentissages », selon Johannes Ziegler, chercheur en neurosciences au CNRS, nécessite d'acquérir deux capacités indépendantes : la reconnaissance des mots écrits et la compréhension orale. D'où la nécessité de repérer le plus tôt possible d'éventuels troubles auditifs ou visuels chez un enfant.
Attention aux otites
Dans le cas de l'audition, outre des déficits organiques ou congénitaux, « des troubles aussi subtils que des otites peuvent créer un déficit auditif avec des conséquences sur le développement langagier à l'âge de 2-3 ans », indique Johannes Ziegler. Or, « 87 % des enfants de 2 ans en collectivité font des otites et 40 % sont récidivantes », rappelle Annie Dumont, orthophoniste. Mais le repérage de troubles auditifs liés à cette pathologie n'est pas toujours évident. « Des otites récurrentes qui surviennent à 4 ans n'auront pas le même impact que celles qui surviennent à 2 ans car l'enfant aura déjà construit une masse de vocabulaire et, par la sollicitation mentale, il pourra compenser le déficit auditif », indique la professionnelle. C'est donc plutôt le comportement de l'enfant qui permettra de détecter un problème d'audition lié à une otite. « Un enfant moins présent, qui se replie sur lui-même, est plus irritable, se touche fréquemment l'oreille, cela peut être un signe de problèmes d'audition liés à une otite », ajoute-t-elle. Tout en rappelant que « lorsqu'un enfant, à 4 ans, a un retard de langage, il faut consulter une orthophoniste pour faire un bilan auditif ».
Calendrier de dépistage
Du côté des troubles visuels, s'il existe beaucoup de pathologies des yeux chez les enfants, celles-ci sont relativement rares. « Les anomalies les plus fréquentes sont les anomalies rétractives : la myopie, l'hypermétropie et l'astigmatisme », indique le Dr Emmanuel Bui Quoc, chef du service d'ophtalmologie pédiatrique à l'hôpital Robert Debré de l'AP-HP à Paris. À la différence du strabisme qui, lui, est visible donc détectable, ces anomalies nécessitent un dépistage. De même que l'amblyopie, rare mais qu'il faut également dépister chez les enfants ayant des facteurs amblyogènes (strabisme ou amétropie importante chez un parent, anisométropie, pathologie organique, prématurité inférieure à 33 semaines). Récemment, la Société francophone de strabologie et d'ophtalmologie pédiatrique a établi un calendrier de dépistage des troubles de la vision chez l'enfant, présenté début juin au ministère de la Santé. Ce calendrier prévoit un examen anatomique dans la première semaine de vie de l'enfant ainsi qu'un examen de dépistage vers 3-4 ans. Pour les enfants avec facteurs amblyogènes, un examen de détection (réfraction sous cyclopégie) de l'amblyopie est également préconisé à 1 an.
Enfin, si la détection des troubles visuels et auditifs chez l'enfant est essentielle, « la difficulté, quand un enfant a des problèmes d'apprentissage, reste de déterminer si celle-ci est liée ou non à une problématique sensorielle, souligne le Dr Bui Quoc. Il faut donc faire attention à ne pas systématiquement médicaliser ces problèmes, qui peuvent avoir d'autres origines, notamment sociale ou familiale ».
(1) « Politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves - Quelques données chiffrées 2013-2016 », ministère de l'Éducation nationale, direction générale de l'enseignement scolaire
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