Trouble récurrent de l’humeur alternant des phases d’augmentation de l’énergie et des activités (manie ou hypomanie), et des baisses de l’humeur (dépression), avec des intervalles libres plus ou moins longs, le trouble bipolaire est fréquent. Deux études françaises ont évalué sa prévalence chez des patients se rendant en consultation de médecine générale entre 3,7 % et 8,3 %. En France, entre 1 et 2,5 % de la population générale serait touchée, aussi bien les hommes que les femmes et quelle que soit la classe sociale.
Le trouble bipolaire est une pathologie psychiatrique grave, parmi les plus suicidogènes : 1 patient sur 2 fera au moins une tentative de suicide dans sa vie et au moins 15 % décéderont des suites de cette tentative. Pour autant la maladie reste sous-diagnostiquée et la Haute Autorité de santé (HAS) estime qu’il s’écoule en moyenne 10 ans entre l’apparition des symptômes et la mise en place d’un traitement adapté.
À la demande des autorités de santé (Direction générale de la santé, Direction générale de l’offre de soins et Assurance maladie), elle a élaboré, à partir d’une revue de la littérature, de nouvelles recommandations (rapport d’élaboration et fiche mémo téléchargeables sur son site : www.has-sante.fr). L’objectif : mieux repérer les patients et prévenir le risque suicidaire. Ces recommandations s’adressent en priorité aux médecins de premier recours (généralistes et pédiatres).
Un diagnostic complexe
Dès le premier épisode, le trouble bipolaire doit être considéré comme une maladie potentiellement récurrente : plus de 90 % des patients qui ont présenté un épisode maniaque présenteront d’autres épisodes thymiques. Un épisode maniaque inaugural permet de poser le diagnostic : il s’agit d’une urgence psychiatrique nécessitant une hospitalisation.
En l’absence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque caractérisé, le diagnostic peut être plus complexe, du fait : du début précoce de la maladie (entre 15 et 25 ans), de pathologies psychiatriques comorbides (addictions, troubles anxieux, trouble des conduites, etc.), de la prédominance des épisodes dépressifs, des caractéristiques psychotiques fréquemment associées et d’une non-reconnaissance du caractère pathologique des troubles par le patient. La pathologie doit donc être évoquée « chez un adolescent ou un adulte jeune devant tout épisode dépressif, certaines pathologies psychiatriques, tout passage à l’acte suicidaire », insiste la HAS.
Diagnostic avant tout clinique
En l’absence d’antécédent de manie ou d’hypomanie, certains indices doivent alerter : survenue précoce de dépression avant 25 ans, antécédents d’épisodes dépressifs et multiples (3 ou plus), antécédents familiaux de trouble bipolaire, épisode dépressif dans le post-partum, épisode dépressif atypique avec hyperphagie et hypersomnie, caractéristiques psychotiques congruentes avec l’humeur, réponse atypique à un traitement antidépresseur, épisode de manie ou virage maniaque sous traitement antidépresseur. Certaines particularités de l’épisode dépressif peuvent aussi suggérer un trouble bipolaire : agitation, hyperréactivité émotionnelle, irritabilité, avec des débuts et des fins abrupts, sans facteur déclenchant identifié. De même, le médecin doit s’interroger devant des tentatives répétées de suicide par des moyens violents, des passages à l’acte délictueux, des conduites sexuelles à risque.
Le diagnostic est avant tout clinique nécessitant plusieurs évaluations successives afin de poser le diagnostic. La HAS recommande d’utiliser les classifications DSM-IV, DSM-V ou ICD-10 et appelle à collaboration étroite entre le médecin traitant et le psychiatre afin d’évaluer la sévérité du trouble (avec l’aide l’entourage), l’importance du risque suicidaire et la nécessité d’une hospitalisation.
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