« Les buveurs de sang se font de plus en plus rares dans les abattoirs. Outre que cette manière de traiter l’anémie était répugnante pour les malades, elle n’était pas sans présenter quelques sérieux dangers. Le malade s’exposait à absorber des micro-organismes pathogènes charriés par le sang des veaux qui était le plus fréquemment employé. On sait aujourd’hui que les veaux peuvent être tuberculeux ; rarement, il est vrai ; on sait aussi que le microbe de la diarrhée infectieuse de ces animaux est transmissible à l’homme et qu’il circule dans le sang. Mais si l’absorption de sang, pris au moment même de la saignée, peut être dangereuse, à plus forte raison sera-t-il imprudent de donner à des malades le liquide coloré qui s’écoule spontanément pendant plusieurs heures des quartiers de viande abandonnés à l’air libre sur des plateaux.
J’ai pu me procurer quelques échantillons de ce liquide que dans certains abattoirs on considère comme la “ quintessence du suc de viande ” et que certains médecins n’ont pas hésité à ordonner. Ce liquide a la couleur du vin de Madère. Quand on le laisse au repos, dans un flacon, il se divise en trois parties : un dépôt brun rougeâtre très abondant, un liquide coloré mais limpide recouvert d’une couche de graisse assez épaisse. Quelle est la composition de ce liquide ?
Après l’abattage, quand la bête est dépouillée et vidée, les bouchers s’arment d’éponges ou de linges ayant traîné dans tous les coins du “ carré ” où ils travaillent, déjà souillés de terre, de matières fécales, de déjections de chiens qui, trop nombreux, circulent librement dans tout abattoir qui se respecte, etc. À l’aide de ces éponges ou de ces linges, trempés dans une eau plus ou moins sale, ils enlèvent sur la chair des animaux les gouttelettes de sang qui, en se coagulant, “ déparerait ” la viande. C’est une partie de cette eau sale, restée adhérente aux quartiers de viande, qui entre pour une part dans la composition de notre liquide !
Bien que les animaux soient abondamment saignés, il reste encore dans leurs vaisseaux une certaine quantité de sang qui se coagule. Le sérum qui s’exsude fournit la plus grande partie de notre liquide. Ce sérum s’altère très rapidement sous l’influence de l’air et des très nombreuses espèces microbiennes qui existent dans les abattoirs. Il dissout une partie de l’hémoglobine du caillot ou de l’hémoglobine musculaire et se colore en rouge. Bientôt cette coloration elle-même se modifie et le liquide prend sa couleur vin de Madère due à la transformation de l’hémoglobine. Celle-ci est facilement décelable par l’examen spectroscopique.
Le dépôt considérable que l’on obtient par centrifugation renferme des globules rouges et des cellules de toutes sortes plus ou moins altérées ainsi que des particules graisseuses.
Les milieux ensemencés donnent des cultures excessivement touffues. Les colonies y sont nombreuses et très diverses. Parmi celles-ci on trouve plusieurs espèces pathogènes ; streptocoques, staphylocoques, etc., des levures, des bacilles califormes, etc., etc. L’examen direct n’a pas permis de déceler la présence des bacilles tuberculeux dans les échantillons que j’ai eu à ma disposition, mais nul doute que dans d’autres on n’en puisse trouver.
Il est donc excessivement dangereux de faire absorber à des malades des liquides de ce genre. »
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