Prévention vaccinale « quasi inexistante », « dépistage insuffisant et imparfait », la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) lors de son 40e congrès les 16 et 17 janvier 2017, partage le constat dressé par les autorités sanitaires. Mais la société savante met en avant un autre écueil dans la prise en charge du cancer du col de l'utérus (CCU) : des traitements parfois excessifs. Une situation aberrante que la SFCPCV qualifie de « paradoxe français ».
« Sur les 25 000 à 30 000 conisations réalisées chaque année en France, près de 30 % sont réalisées en excès, déplore le Dr Jean-Luc Mergui, président de la SFCPCV. En 2015, 6 000 conisations ont été réalisées sans indication valable. Sur les 3 500 hystérectomies réalisées par an pour lésions du col, 50 % ne sont pas justifiées ».
Or, comme l'a exposé le Pr Xavier Carcopino, au CHU Nord de Marseille, « il existe une réelle morbidité voire mortalité liée au dépistage ». Tous les traitements des lésions précancéreuses du col utérin, exérèses ou destruction par laser, ont un impact sur la grossesse chez les femmes en âge de procréer. « Le risque de prématurité est augmenté, un risque estimé à 1000-1500 naissances/an, poursuit le gynécologue-obstétricien. Le risque augmente avec la hauteur de col traitée, sans qu'il y ait une valeur seuil, le volume de col traité dès lors qu'il est ≥ 3 mL et le nombre de gestes réalisés ».
70 % des interventions réalisées à l'aveugle
Bien que recommandée, l'utilisation du colposcope pour guider la conisation n'est pas suivie, avec 70 % des interventions réalisées à l'aveugle. « Le guidage colposcopique permet de diminuer les volumes des pièces de conisation sans compromettre les marges de résection et sans compromettre l'efficacité du geste, développe Xavier Carcopino. De plus, cela permet de diminuer le risque de colposcopie insatisfaisante lors du suivi en raison de col sténosé ».
La colposcopie, essentielle pour le diagnostic et le traitement du cancer du col, ne s'improvise pas. « C'est le seul examen ce jour permettant de localiser les éléments devant faire l'objet de biopsie en vue du diagnostic, explique le Pr Jean Gondry. C'est un outil indispensable au geste thérapeutique ».
Pour la SFCPCV, la raison au surtraitement s'explique par une prise en charge par des praticiens insuffisamment formés. des professionnels non habilités. La formation des praticiens pèche par l'absence de formation spécifique dans le cursus obligatoire. « Les gynécologues doivent s'inscrire à un diplôme inter-universitaire (DIU) de colposcopie pour se former, explique le Pr Jean Gondry, du CHU d'Amiens. Il existe 7 enseignements en France dans 18 universités. »
Environ 150 médecins par an suivent une formation, mais moins de 50 % la pratiqueront régulièrement après la formation initiale. « Le niveau de pratique est un critère validé de qualité, expose Jean Gondry. Le standard européen retenu est d'au moins 100 colposcopies/an et par opérateur, avec > 50 pour anomalie cytologique mineure et > 50 pour anomalie cytologique majeure. En France, la charte de qualité de la SFCPCV demande la réalisation au moins 50 colposcopies/an et par opérateur, toutes indications confondues. Car la majorité des colposcopistes en France n'en font pas plus de 100/an ».
La colposcopie, étant un examen uniquement visuel, ne pardonne aucune erreur d'interprétation. « Une lésion précancéreuse non repérée, c'est une perte de chances, explique Jean Gondry. Un mauvais site de biopsie entraîne une mauvaise en prise en charge et un manque d'assurance conduit à un excès d'examen complémentaire ».
La formation médicale continue est indispensable. « La qualité de l'examen dépend de l'expérience et donc de la pratique régulière, détaille Jean Gondry. C'est indispensable de continuer à échanger les expériences et de réfléchir à des cas cliniques lors de séances de formation ».
Les critères de qualité colposcopique sont intégrés dans les recommandations de l'INCa. L'objectif est d'augmenter le nombre de colposcopistes formés, aujourd'hui environ 200 colposcopistes labellisés SFCPCV ayant déclaré sur l'honneur réaliser au moins 50 colposcopies/an. « Deux axes principaux d'amélioration se dégagent, explique Jean-Luc Mergui. C'est l'assurance qualité des praticiens via l'obtention d'un label mais c'est aussi le contrôle qualité des soins prodigués dans le cadre d'un système organisé ».
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