C'est un amendement chassé par la porte qui revient par la fenêtre. Rejeté à l'automne lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2019, on pensait l'amendement visant à autoriser les pharmaciens à délivrer des médicaments à prescription médicale obligatoire définitivement enterré.
Il n'en est rien. Le député macroniste et médecin urgentiste Thomas Mesnier projette de défendre un amendement similaire dans le cadre du projet de loi de santé qui sera discuté à partir du 18 mars à l'Assemblée nationale. Le texte en préparation vise « à ce que les pharmaciens puissent délivrer, sous protocole, des traitements actuellement prescrits sur ordonnance, dans le cadre de pathologies simples et du quotidien, que pourraient être l'angine, la conjonctivite, la cystite », a confirmé le principal intéressé à l'AFP. Et de poursuivre sobrement : « Il s'agit de répondre aux besoins de temps médical et d'accès aux soins » en allant « un peu plus loin sur les questions de soins coordonnés, de partage des tâches ».
L'amendement initial − défendu à l'automne par le Dr Delphine Bagarry (LREM) et soutenu par quinze députés de la majorité − proposait d'expérimenter la délivrance de médicaments pendant trois ans « dans le cadre d’un protocole médical et de coopération conclu avec le médecin traitant et les communautés de santé des structures d'exercice coordonnées ». Quelques mois plus tard, le député de la Charente ne précise pas si la mesure passerait par une phase d'expérimentation.
Le pharmacien qui joue au médecin
En tout état de cause, les syndicats de praticiens libéraux sont, comme en octobre, vent debout cette idée. « C'est toujours non ! », tempête la CSMF qui appelle à « respecter les rôles de chacun ». « Le pharmacien qui veut jouer au médecin ce n'est pas bon car le seul qui connaisse l'intégralité des problématiques du patient c'est le médecin traitant », rappelle le Dr Luc Duquesnel, chef de file des généralistes au sein de la Conf'. « Il faut laisser les professionnels s'organiser », implore le médecin mayennais. « Ce genre de protocole existe déjà dans certaines organisations, mais le faire tomber dans une loi freinerait l'exercice coordonné ».
La délivrance directe en officine de médicaments normalement prescrits serait même synonyme de perte de chance pour le patient, alerte MG France. « Qui peut imaginer que le pharmacien va distinguer au simple regard la cystite aiguë de la pyélonéphrite ou l'angine bactérienne de la mononucléose ? », s'agace le syndicat.
« Grosse fatigue », se désole l'UFML-Syndicat. Son président, le Dr Jérôme Marty, range cette proposition dans le même placard que les assistants médicaux. « Ce n'est pas avec des solutions d'aval qu'on résoudra la problématique de notre système sanitaire qui s'effondre », affirme le généraliste de Fronton.
Dans l'air du temps
Seule la jeune génération regarde avec intérêt la proposition du député Mesnier. « C'est dans l'air du temps, les aspirations des jeunes médecins vont vers l'exercice coordonné », s'enthousiasme le Dr Yannick Schmitt, président du syndicat ReAJGIR qui juge la mesure « intéressante ». À condition de passer par une expérimentation, car « le dispositif comporte sa part de risque et il faut s'assurer qu'il ne fait pas perdre de chance aux patients ». Pour autant, le généraliste alsacien n'y voit pas une solution miracle. « C'est une réponse à l'accès aux soins quand le médecin traitant n'est pas disponible mais il ne faut pas que ça devienne une solution faute de mieux », tempère-t-il.
Consciente de la polémique que risque de soulever cette proposition, la présidente de l'Ordre national des pharmaciens rassure. « Il n'est pas question d'écarter le médecin traitant qui reste la personne qui coordonne le parcours et la prise en charge du patient », affirme Carine Wolf-Thal... juste après une réunion sur le sujet avec son homologue de l'Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet.
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