Le grand témoin

Le Pr Michel Galinier : un nouveau symptôme d'insuffisance cardiaque, la bendopnée

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Publié le 02/05/2017
Pr Galinier

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Crédit photo : DR

Si la dyspnée d’effort demeure le symptôme le plus fréquent dans l’insuffisance cardiaque, et sa classification par le score de la NYHA une aide précieuse pour nos décisions thérapeutiques, son caractère non-spécifique doit conduire à la recherche de symptômes plus spécifiques, traduisant une augmentation des pressions de remplissage, comme l’orthopnée et la bendopnée, bien que cette dernière puisse survenir chez les sujets âgés et/ou obèses en dehors de toute insuffisance cardiaque. La fréquence de la bendopnée au cours de l’insuffisance cardiaque est estimée entre 28 et 49 % selon les deux séries qui lui ont été consacrées (1,3), qui ont toutes deux mesuré le temps d’apparition de cette difficulté respiratoire en position penchée en avant, variant de 8 à 12,5 secondes en moyenne, et devant par définition survenir en moins de 30 secondes. Lors de l’examen clinique, l’existence d’une bendopnée est reliée à une fréquence plus élevée d’une hépatomégalie et d’un reflux hépatojugulaire.

Altération de la qualité de vie

À l’échocardiographie-Doppler, ce nouveau symptôme est plus fréquemment associé à une dilatation des cavités auriculaires gauches et droites ainsi qu’à une élévation des pressions artérielles pulmonaires systoliques, mais non à la valeur de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, étant aussi bien retrouvé dans les insuffisances cardiaques à fraction d’éjection réduite que préservée. La bendopnée participe à l’altération de la qualité de vie des patients, à l’origine d’une limitation subjective chez 80 % d’entre eux, 55 % ne pouvant plus se chausser eux-mêmes, majorée par une augmentation de l’indice de masse corporelle.

Quelle valeur pronostique ?

Un récent travail, portant sur 250 patients hospitalisés pour décompensation d’une insuffisance cardiaque, a tenté de déterminer sa signification pronostique à court terme. La présence d’une bendopnée est reliée significativement à un stade de la NYHA plus sévère et à un taux de mortalité à 6 mois plus élevé (RR = 1,39, IC50 % = 1,07-1,79, p = 0,025) en analyse univariée. Relation avec la mortalité non retrouvée en analyse multivariée sauf chez les patients en stade III ou IV de la NYHA. Cependant les patients qui décèdent ont un temps d’apparition de la dyspnée en position penché en avant plus bref (11,2 secondes) que ceux qui survivent (14,6 secondes, p = 0,01).

Il reste maintenant à déterminer les effets de nos traitements sur ce nouveau symptôme qui, s’il apparaît plus fréquent dans les formes sévères de la maladie, mérite d’être recherché chez tous nos patients, voire les sujets à risque de développer une insuffisance cardiaque.

Fédération de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, université Paul Sabatier-Toulouse III ; faculté de médecine, Toulouse
(1) Thibodeau JT et al. JACC Heart Fail 2014;2:24-31
(2) Brandon N et al. J Heart Lung Transplant 2013;2:844-5
(3) Baeza-Trinidad R et al. Eur J Heart Fail 2017;19:111-5

Pr Michel Galinier

Source : lequotidiendumedecin.fr