Tuberculose ultra-résistante au retour d’un pays d’endémie

Le cas d’une Américaine de 2 ans traitée avec succès

Publié le 16/11/2015
Article réservé aux abonnés

« Nous sommes heureux que notre patiente se porte bien. Mais en même temps, c’est un signal d’alarme sur les réalités de la tuberculose », déclare le Dr Sanjay Jain, pédiatre et expert en tuberculose au Johns Hopkins Children’s Center à Baltimore (États-Unis).

La tuberculose ultra-résistante (TB-UR), ainsi appelée car résistante non seulement aux médicaments de première ligne (isoniazide, rifampicine), mais aussi aux fluoroquinolones et à l’un des 3 médicaments IV de deuxième ligne (amikacine, kanamycine, ou capréomycine), devient de plus en plus fréquente dans le monde, en particulier dans les villes des pays endémiques comme l’Inde. Très difficile à traiter, elle s’associe à une mortalité élevée.

Difficile chez le jeune enfant

Chez le jeune enfant, son diagnostic et son traitement sont particulièrement difficiles pour plusieurs raisons : la nature paucibacillaire de l’infection, la difficulté à obtenir des prélèvements appropriés (pas d’expectorations), l’absence d’outils diagnostiques rapides et fiables pour détecter une tuberculose résistante, l’absence de marqueurs fiables pour surveiller la réponse au traitement, et enfin l’absence de formulation médicamenteuse adaptée aux enfants. De fait, on sait peu de chose sur la TB-UR de l’enfant, et seulement une poignée de cas ont été publiés jusqu’ici.

La petite américaine de 2 ans dont le cas est publié dans « The Lancet Infectious Diseases » est vue en consultation pour une fièvre continue depuis 2 semaines, apparue au retour d’un voyage de 3 mois en Inde chez ses grands-parents. Elle avait été vaccinée par le BCG dès son arrivée en Inde, puis était allée à la crèche locale.

Une tuberculose est immédiatement suspectée : test QFT (QuantiFERON-TB Gold) positif pour Mycobacterium tuberculosis et radio pulmonaire révélant un infiltrat lobulaire et un ganglion médiastinal.

L’équipe procède alors à un tubage gastrique pour mise en culture. L’examen microscopique est négatif. Toutefois le traitement de première ligne (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide, et éthambutol) est mis en place immédiatement. « Les résultats des tests initiaux sont notoirement peu fiables et ce cas illustre parfaitement la nécessité d’avoir des techniques plus rapides et fiables », souligne le Dr Jain. L’état clinique de la fillette s’améliore rapidement sous ce traitement classique, avec peu de symptômes à un mois. La radio pulmonaire à 2 mois et demi met en évidence un infiltrat persistant. L’antibiogramme à 3 mois identifie un bacille tuberculeux ultra-résistant.

L’état de l’enfant se dégrade, et la tomodensitométrie révèle une aggravation de l’inflammation pulmonaire, avec plusieurs zones de nécrose. L’équipe médicale conçoit alors un traitement individualisé, composé de 5 médicaments (streptomycine, linezolid, acide para-aminosalicylique, cyclosérine, et clofazimine) plus de la vitamine B6, administré d’abord à l’hôpital et poursuivi à domicile 5 jours après. Pour surveiller la réponse au traitement, les médecins s’appuient sur la tomodensitométrie (TDM) faible dose. « En l’absence de marqueurs fiables pour la tuberculose pédiatrique, il nous a semblé que la TDM était notre meilleure option », explique le Dr Jain. Après 6 semaines de traitement, l’amélioration est nette avec à la TDM, une disparition des zones nécrotiques. À 6 mois, il n’y a plus d’infiltrat, juste une fibrose résiduelle, et la streptomycine est arrêtée. L’enfant qui a reçu 18 mois de traitement pour la TB-UR, demeure en rémission à l’âge de 5 ans. L’équipe estime qu’une réactivation de l’infection est peu probable. Toutefois, la surveillance est maintenue pendant encore 2 ans.

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du Médecin: 9450