Le plus grand drame de notre système de santé est la tolérance zéro erreur qui incite le médecin à se couvrir, en multipliant de façon absurde les risques, tant sanitaires que financiers par absence d’une vraie responsabilité partagée avec le patient. Cette tolérance zéro rend intenable la position actuelle (notamment) de la médecine de premier recours en médecine générale, responsabilité individuelle totale du médecin face à l’irresponsabilité, médecine qui est donc vouée à disparaître en ville. C’est la raison majeure de l’apparition des déserts, de la disparition des gardes, des visites à domicile, des consultations d’urgence vraies ou relatives ; trop dangereux sur le plan responsabilité.
La plupart des médecins le savent : l’erreur des responsables est inévitable, liée au hasard et à l’impossibilité de la nécessité, malgré la création d’usines à gaz humaines de plus en plus complexes voire inutilisables. Face à une erreur découverte, la plupart des médecins, même les meilleurs, auraient fait la même, pouvoir appréhender tous les cas particuliers imaginables sans erreurs étant impossible ; même vraisemblablement pour la meilleure IA. À l’instar du hasard qui est le moteur de l’évolution, l’erreur involontaire est le moteur de l’acquisition des connaissances. Elle est inévitable, et pourtant elle est systématiquement condamnée, avec ses conséquences, même quand elle n’est que supposée, quand elle survient.
La vie fonctionne comme un programme informatique avec ses différentes couches logicielles. Notre couche de la vie en collectivité se décline, en un mélange de droits et de devoirs. Sur le plan des médecins cela se conjugue en : liberté comme liberté d’installation, liberté du choix du traitement. Égalité comme prise en charge quel que soit le patient (issu d’une courbe de Gauss, faite de variations imposées par l’évolution qui n’a rien à voir avec la platitude comprise par nos patients). Fraternité comme empathie. Mais aussi, responsabilité, grande oubliée de notre devise nationale, qui ne célèbre pratiquement que les droits.
Du côté patient, ça se décline alors en : droit du choix du médecin, droit du meilleur traitement, droit au tiers payant pour tous, droit au médecin disponible 24 heures/24 pour n’importe quoi (bientôt aux 3-8 pour les futurs salariés), cela sans contrepartie, sans aucun devoir, pas même celui de devoir « manger 5 fruits ou légumes par jour » comme si leur responsabilité leur avait été confisquée au profit des seuls décideurs ; les seuls et vrais responsables devant Dieu. C’est ce que semble vouloir dire cette remarque, à propos des médecins : « À peine sortent-ils de l'école qu'ils se croient envoyés par Dieu ». Mais faire croire au droit au bonheur de chacun malgré soi provoque une paix sociale infantilisante très chèrement payée par les responsables qui vivent de leur responsabilité, maintenant de l’illusoire responsabilité collective unilatérale, alors que la bonne évolution serait une vraie culture de la responsabilité partagée.
L’ancien temps avait tenté de résoudre le problème de la responsabilité avec le mythe d’un monde meilleur dans l’au-delà, incitant par la peur, chacun au devoir de libre responsabilité personnelle pour y avoir droit. Malheureusement, aujourd’hui, la routine informatique semble avoir plutôt régressé : si les médecins ne prennent pas la libre responsabilité de se vacciner, on leur fait peur par la menace collective de suppression d’une part de leur droit en liberté ! L’incitation au devoir semble devenue totalement dérisoire ! Car ce qu’on appelle la responsabilité collective, ça ne s’impose pas instantanément à un individu, ça semble se créer au fil du temps et des générations, avec des devoirs inscrits dans la mémoire collective et transmis de génération en génération par des marqueurs épigénétiques, ce que d’aucuns appellent leur conscience. Ce qu’on ose appeler responsabilité collective, c’est une création d’origine humaine, une sorte de divinité supérieure impalpable à laquelle les médecins doivent obéir, la peur au ventre sous peine de punitions : protocoles, réunions pluridisciplinaires, certification, sont certes tous utiles à la prise en charge des patients, mais ont avant tout été créés comme armes défensives préventives, et acceptées dans l’espoir illusoire d’inciter les patients à ne pas porter plainte contre ceux qui n’ont plus qu’un semblant de responsabilité, dite collective limitée à l’application d’ordres. Ceux à qui on a donné le droit à tout et qui ne doivent rien vont se gêner !
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