En matière de cancer de la prostate les avis se suivent et ne se ressemblent pas toujours ! Alors que fin mars, CNAM, INCa, HAS et Collège de la médecine générale ont appelé à lever le pied sur le PSA, l’European Association of Urology (EAU) vient d’édicter de nouvelles guidelines plutôt à contre-courant de ce discours. Tout en reconnaissant que le dosage du PSA ne doit pas être demandé sans avoir expliqué au patient ses conséquences, les urologues européens plaident en effet - à l’instar de leurs collègues français - pour un diagnostic précoce à discuter chez les hommes de plus de 50 ans (45 ans en cas de facteurs de risque), quand l’espérance de vie dépasse 10 à 15 ans. Mais dans le même temps, la discipline propose plusieurs pistes pour circonscrire les risques de sur-diagnostic et de sur-traitement.
Repérer les cancers évolutifs
L’IRM multiparamétrique a fait ses preuves dans le bilan d’extension d’un cancer de prostate localisé. Pour certains urologues, elle devrait être systématique avant toute biopsie afin d’éviter un geste invasif si elle est normale ou de cibler les biopsies sur les lésions « cliniquement significatives ». Ce qui pose toutefois de nombreuses questions quant à la possibilité de faux négatifs et du coût d’une telle stratégie. Une autre technique d’imagerie plus performante, le PET scanner PSMA (Prostate Specific Membrane Antigen) s’affirme dans l’évaluation des cancers de la prostate. « Le PSMA est un antigène présent sur la membrane des cellules prostatiques et son expression augmente dans les cancers agressifs. Le PET scanner PSMA devrait s’imposer pour la recherche des extensions ganglionnaires et des métastases que ce soit au cours du bilan initial ou de la surveillance de la maladie et guider les thérapies focales », explique le Pr Alexandre de la Taille (Créteil).
Autres voies de recherches foisonnantes, le repérage de biomarqueurs non invasifs fiables à valeur diagnostique ou prédictive. Des tests urinaires et sanguins sont en cours d’évaluation. Ainsi un test sanguin le 4KScore, qui mesure le taux de quatre protéines prostatiques - PSA total, PSA libre, PSA intact et kallicréine humaine de type 2 (hK2) - est plus spécifique que le PSA pour déterminer la probabilité d’un cancer à haut risque avant une première biopsie ou après une biopsie négative. On a identifié certains gènes associés à des cancers évolutifs, mais ils sont actuellement recherchés sur les biopsies ou sur la pièce de prostatectomie, et leur analyse est onéreuse. Une étude menée sur l’analyse de l’ARN non codant a identifié divers biomarqueurs dans les urines et leur combinaison pourrait amener à disposer d’un test précis non invasif, plus spécifique et plus sensible que le PSA. Actuellement ces tests restent du domaine de la recherche.
La surveillance active, une alternative pour les tumeurs à faible risque
Diverses études confirment l’intérêt de la surveillance active dans les cancers prostatiques peu évolutifs. Les hommes ont une bien meilleure qualité de vie que ceux qui sont traités par chirurgie ou radiothérapie, et 5 à 10 ans après le diagnostic leur qualité de vie est identique à celle des hommes n’ayant pas de cancer. Cette option est par ailleurs bien moins coûteuse. « Intégrer la surveillance active comme alternative thérapeutique n’est intéressant, sur le plan individuel et collectif, que si l’on favorise le diagnostic précoce du cancer de la prostate, le coût sera bien moindre que celui de la prise en charge des cancers diagnostiqués à des stades avancés, insiste le spécialiste. En attendant de disposer des biomarqueurs, on évalue l’évolutivité sur les biopsies, l’évolution du PSA et l’IRM qui a toute sa place maintenant dans la surveillance active ».
La chimiothérapie en première ligne dans les formes métastatiques
Sur le plan thérapeutique, le changement majeur est la recommandation de grade A préconisant une association d’hormonothérapie et de chimiothérapie en première intention chez un patient nouvellement diagnostiqué ayant au moins trois métastases. On utilise donc beaucoup plus tôt dans la maladie cette combinaison thérapeutique, chez les sujets naïfs de tout traitement, avec un bénéfice sur la survie globale jamais atteint jusqu’ici de l’ordre de 14 à 15 mois, au prix d’une certaine toxicité parfaitement gérable.
Dans les cancers résistants à la castration, les nouvelles hormonothérapies, l’acétate d’abiratérone et l’enzalutamide améliorent significativement la survie et retardent le moment de la chimiothérapie. En ce qui concerne la place de la radiothérapie après prostatectomie dans les cancers agressifs, des données récentes montrent que la survie est meilleure lorsqu’elle suit la chirurgie que lorsqu’elle est différée après la rechute. « Il faut cependant prévenir le patient que la récupération des troubles de l’érection sera encore plus tardive voire définitivement compromise », avertit l’urologue.
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