Après le débat scientifique qui a vu s'imposer l'idée de la prévention pré-exposition (PrEP) du VIH par la prescription de Truvada, « un autre débat va commencer : les médecins doivent-ils prescrire de la doxycycline pour prévenir des cas de syphilis » dans la population à risque des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) ?
Le Pr Christopher Fairley, directeur du centre de santé sexuelle de Melbourne questionne les lecteurs dans un édito du « Lancet Infectious Disease », accompagnant les résultats d'une sous-étude de l'essai Ipergay consacrée à cette question.
Des participants de l'essai Ipergay
Au cours de l'essai, les chercheurs du groupe ANRS Ipergay, dirigés par le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Louis, AP-HP, ont recruté 232 HSH participant à un programme de PrEP. La moitié d'entre eux devait prendre 200 mg de doxycycline en prise orale 24 heures après un rapport sexuel non protégé tandis que l'autre moitié bénéficiait du suivi classique offert à l'ensemble des participants de l'essai Ipergay.
Au cours du suivi médian de 8,7 mois, 73 participants ont contracté une IST, dont 28 dans le groupe doxycycline et 45 dans le groupe contrôle. Le risque d'infection est significativement réduit de 47 % grâce à la prophylaxie par doxycycline. Le risque de chlamydia est réduit de 70 % et celui de syphilis de 73 %. Le risque de survenue d'une gonorrhée n'a en revanche pas été significativement affecté par la prophylaxie.
Le Pr Molina avait déjà présenté en février dernier, à l'occasion du congrès de la CROI, les premiers résultats de ce travail. Il en ressortait qu'au bout de 9 mois de suivi, la prescription prophylactique de doxycycline était associée à une baisse de près de 50 % des infections sexuelles transmissibles. Pour les seules infections à chlamydia, comme pour la syphilis, la baisse était de 70 %.
Le risque de résistante faible
La principale crainte vis-à-vis de cette stratégie de prévention est le développement de bactéries résistantes. C'est la raison pour laquelle l'équipe du Pr Molina a choisi la doxycycline car, si les gonocoques y sont déjà largement résistants, ce n'est pas le cas du tréponème pâle et des chlamydiae qui développent difficilement des résistances aux antibiotiques. Lors de sa présentation à la CROI, le Pr Molina avait fait état d'une consommation moyenne de 7 comprimés par participants et par mois. Dans les dernières données publiées dans le « Lancet Infectious Disease », la consommation médiane de doxycycline était de 680 mg par mois, soit un peu plus de 3 comprimés par mois.
La prophylaxie post-exposition expérimentée dans les services de maladies infectieuses participant à cette nouvelle étude, cible la syphilis et l'infection à chlamydia. L'infection à gonocoques constitue un cas particulier qui échappe aux stratégies de prophylaxie post-exposition. Ces bactéries à gram négatif acquièrent très facilement des résistances et d'autres méthodes de prévention doivent donc s'appliquer.
Ces résultats sont intéressants à 2 titres : d'une part, ils offrent une perspective de prévention dans un contexte d'augmentation générale de la prévalence des IST en France. D'autre part, ils répondent à une crainte formulée par ceux que la PrEP laisse sceptique : la promotion du Truvada comme moyen de prévention complémentaire du préservatif ne risque-t-elle pas d'augmenter le risque d'IST autre que le VIH ?
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