C’est une péripétie du système public de notre modèle social qui révèle un mal profond encourageant la colère des citoyens les plus fragiles. L’administration peut se permettre ce que lesdits citoyens ne peuvent pas. Par l’exemple.
C’est l’histoire de Madame Gil. N, salariée handicapée avec deux enfants étudiants à charge, que son salaire de 1600 euros et un loyer de 800 euros en région parisienne permettent à peine de survivre correctement par le truchement d’acrobaties financières (crédits à la consommation, emprunts familiaux, etc.). Pas de chance, elle glisse sur un trottoir mal entretenu par la mairie de Paris lors de son trajet domicile-travail à 200 mètres de son lieu de travail. Résultat : entorse de la cheville, une lèvre fendue, deux dents descellées alors qu’elle lutte contre une sciatalgie chronique lui ayant valu un handicap reconnu par la MDPH. Consulté d’urgence, son médecin déclare un accident du travail dans les conditions du trajet domicile-travail, son employeur en fait de même et tous les deux établissent, comme il est conforme au code de la Sécurité sociale, la télédéclaration auprès de la CAF.
Tout se complique
Surprise, un email de cet organisme lui réclame un mois après la preuve de son accident du travail et l’informe qu’une commission statuera au mieux « dans un mois » sur la réalité de cet accident du travail se réservant le droit de la requalifier en maladie.
Conséquences
Sans ressources depuis un mois, sans réserve financière et devant le refus de la CAF de pouvoir exposer son cas par téléphone, l’accidentée se retrouve dans le rouge à la banque mais devant faire face à ses obligations minimales (loyer, nourriture et autres échéances). La banque, humaniste, applique ses conditions d’agios. Double peine sans compter l’humiliation.
Cerise sur le gâteau
Ô surprise, une navigation sur le site de la CAF montre que les délais de paiement des sommes dues aux « usagers » sont au 15 janvier en retard de traitement de près de deux mois (voir photo). Pratique pour ceux des citoyens qui tirent la langue le 15 du mois.
Dès lors, on ne s’étonnera pas que fleurissent çà et là Gil et John alors que leurs droits sont bafoués par les incohérences de certaines administrations, leur manque d’efficience, leur déni de responsabilité (impossible d’obtenir le nom des interlocuteurs) et la non-prise en compte personnelle des cas particulièrement graves. Une dérive du numérique qui tend à traiter des Hommes en médiane gaussienne au mieux en moyenne au pire. Et les citoyens de faire avec. Jusqu’à quand ? Un grand progrès serait que les administrations, notamment épinglées part la Cour des comptes, soient auditées sur leur efficacité réactive, le traitement humain des « dossiers » de façon indépendante et que des sanctions exemplaires soient prises.
Il faudra un jour comprendre que ce ne sont pas les lois qui font les Hommes mais les Hommes qui font les lois et que l’on ne peut pas se réfugier impunément derrière un système qui, dans la vie réelle, ne fonctionne plus ou si mal au détriment des plus fragiles.
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