Arts
L'art était pour Jean Planque une passion, une raison de vivre, et même une raison d'être. « J'ai mieux aimé les tableaux que ma vie. Ma vie = tableaux. Cela depuis très jeune. » Ses choix, il les faisait d'instinct, sur des critères très personnels, des élans, des intuitions. Son goût primait sur son intérêt.
C'était un collectionneur du pressentiment, selon ses propres termes. « Je pressens. Je pressens le mystère (...). Immédiate préhension. Chose émotionnelle. Possession de tout mon être. Je suis en eux (les tableaux) et eux en moi. »« Stupéfaction », « pénétration » : ainsi définissait-il lui-même ses émotions.
C'est au début des années 1930, un peu par hasard, que le jeune homme suisse (né d'une famille modeste du canton de Vaud) découvre la peinture, en passant devant une galerie qui expose des uvres de Paul Klee. Peu à peu, Planque se dirige complètement, inexorablement vers l'univers de l'art : il se met à peindre en commençant par des aquarelles, rencontre le peintre Auberjonois qui demeurera un fidèle ami, entreprend ses premiers achats de toiles pour un marchand de Zurich (des Corot, des Renoir des Modigliani...) et devient finalement dans les années 1950 conseiller de la très célèbre et importante galerie Beyeler de Bâle. Grâce à l'autonomie financière que lui procure son nouveau travail, Planque peut acquérir des toiles pour lui-même. Un ingénieux système qu'il met au point pour l'alimentation du bétail (!) lui permet d'accroître ses moyens financiers. La collection peut commencer.
L'oeil sensible
Elle débute réellement en 1954. L'il de Planque est déjà aigu et sensible. Il achète d'abord des scènes sombres d'Auberjonois d'une facture classique, un superbe « Torse de femme de profil » de Bonnard, de rares aquarelles et mines de plomb de Cézanne (l'un de ses peintres favoris), des « architectures » colorées de Klee qui l'émouvaient beaucoup, des compositions « tubistes » de Fernand Léger, des Braque...
En 1957, Planque rencontre Dubuffet, s'attache à l'homme et à sa peinture. Les formes enchevêtrées de l'artiste sont largement représentées dans la collection.
L'amour de la peinture est une chose. L'intérêt porté aux artistes en est une autre. Mais aux yeux de Planque, les deux étaient liés. Bazaine, les Delaunay et Bissière seront ses amis. Il rendra visite à l'artiste schizophrène Aloïse dans son asile de la Rosière, se fera enseigner la technique de l'eau-forte par Antoni Clavé, multipliera les conversations avec Picasso dans un grand climat de confiance, rencontrera Vlaminck en 1958.
Curieux, précurseur, dénicheur de jeunes talents, modeste et éminemment sensible, Planque continue sa collection, sans obéir à d'autres critères que l'émotion. Eclectique (du pastel léché de Degas aux giclées de peintures de Sam Francis) mais en même temps exhaustif (presque tous les mouvements picturaux du XXe siècle sont représentés), l'ensemble présenté à Paris frappe par la correspondance des couleurs et la dominance du bleu. Affirmé et profond dans « L'Estuaire de la Seine », de Vallotton, le bleu au pastel submerge l'espace dans la « Composition », d'Odilon Redon, tandis qu'il apparaît délavé et brumeux dans la tempête de neige norvégienne de Monet.
En 1998, Jean Planque crée à Lausanne la Fondation Jean et Suzanne Planque, rendant ainsi publics les trésors de sa collection. Quelques mois plus tard, il s'éteint, assuré de léguer aux amateurs des fragments de sa passion.
« De Cézanne à Dubuffet. Collection Jean Planque ». Salle Saint-Jean, Hôtel de Ville, 5, rue Lobeau, Paris-4e. Tlj sauf le lundi, de 11 h à 19 h. Entrée libre. Jusqu'au 27 juillet. Catalogue, 312 p., 40 euros, éd. Hazan.
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