La loi du 2 mars 2022 a augmenté le délai de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), en le passant de 12 à 14 semaines de grossesse, ou 14 à 16 semaines d’aménorrhée (SA). Ce qui a des implications sur les plans de la formation, de la logistique et des coûts, que ces IVG tardives soient réalisées chirurgicalement ou par voie médicamenteuse. « Cela s’est fait de façon brutale, sur un coup politique et médiatique : la modification de loi est passée sans décret et les soignants concernés n’ont même pas été avertis qu’elle était effective d’emblée ! », rappelle le Pr Aubert Agostini, responsable de la commission orthogénie - contraception - santé sexuelle du CNGOF. Rien n’a été fait en amont pour raccourcir les délais de prise en charge des femmes en demande d’IVG. Aucun financement, aucune valorisation de l’acte n’ont été prévus, ce qui fait qu’une IVG tardive entraîne un surcoût pour l’hôpital où elle est pratiquée. « De fait, aucune clinique privée n’est intéressée pour en faire », souligne le gynécologue-obstétricien.
Une adaptation pour les chirurgies
Comparativement à une IVG réalisée avant 14 SA, une IVG chirurgicale tardive nécessite un bloc opératoire équipé d’un appareil d’échographie. La technique opératoire est différente, elle relève donc d’une formation spécifique. « D’un point de vue pratique, il faut donc, bien souvent, recourir à un bloc différent de celui utilisé pour les IVG avant 14 SA, d’autant qu’existe une appréhension par rapport à un possible risque plus élevé de complication (non prouvé), du fait de la nouveauté de cette prise en charge. Le geste en lui-même dure 10-15 minutes », explique le Pr Agostini.
En revanche, en l’absence de problème survenu lors de l’IVG, aucune surveillance particulière n’est requise les jours suivants.
Du côté de l’équipe soignante, la réalisation d’IVG tardives a entraîné un autre problème : un possible traumatisme visuel, notamment chez les jeunes soignants, car les parties du fœtus sont davantage reconnaissables après 11-12 SA. « Pour éviter ce traumatisme, le geste ne doit pas être dissocié de la prise en charge globale de la patiente, et le soignant doit bien avoir en tête que continuer la grossesse serait catastrophique pour la patiente », insiste le Pr Agostini. C’est donc une donnée à prendre également en compte lors de la formation. « Lors de la réalisation du geste, certaines précautions permettent de minimiser le visuel à l’ensemble des soignants présents. Par exemple, lors de l’extraction des différents morceaux du fœtus, enfouir rapidement ces derniers plutôt que de les exposer à la vue de tous. Limiter l’échographie au strict nécessaire est aussi possible. Il est enfin utile de faire tourner les équipes, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui y soient confrontés », détaille le Pr Agostini.
Le choix de la voie médicamenteuse
Pour éviter ce traumatisme visuel à leurs soignants, certaines équipes privilégient la technique médicamenteuse. La femme est hospitalisée pour la journée. Elle reçoit ses médicaments le matin (mifépristone et misoprostol, mais à des doses supérieures à celles données pour une IVG à 6 ou 8 SA), fait sa fausse couche dans la journée — avec prise en charge de la douleur — et sort le plus souvent le soir.
« Il n’a pas été observé plus de complications qu’avec une IVG chirurgicale. Le choix de l’une ou l’autre technique est équipe-dépendante et lorsque c’est possible, dépend aussi du choix de la patiente », indique le Pr Agostini.
Exergue : « Aucune clinique privée n’en fait ! »
Entretien avec le Pr Aubert Agostini, gynécologue-obstétricien à l’hôpital de la Conception de Marseille, responsable de la commission orthogénie - contraception - santé sexuelle du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français
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