Financement de l’hôpital, faut-il supprimer l’Ondam ?

Publié le 09/05/2019
«La construction de l’Ondam est-elle sincère ? L’hôpital en est-il la variable d’ajustement ? L’Ondam, une spécialité hexagonale, fait l’objet de vives critiques. Au-delà des réformes annoncées des modes de financement, ce serait-là la mère de toutes les batailles. Mais comment la mener alors que la fin du déficit annoncé à l’automne n’est plus d’actualité au printemps ? Il n’y aurait plus de saison même pour l’Ondam… Retour sur une invention française.
Ondam

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Faut-il croire encore en l'Ondam ? C'était, disons, jusqu'à l'automne 2018, encore une vache sacrée. Après sa création par Alain Juppé en 1996, son exécution relevait de l'ardente obligation. Et témoignait au passage du rôle nouveau de l’État dans le financement de la protection sociale après la création de la CSG. Depuis 2010, chaque gouvernement s'est attaché à respecter les dépenses globales votées par le Parlement. Quitte, lorsque les dépenses de ville dérapent, à faire payer les riches, pardon l'hôpital... On y reviendra. Mais en 2019, il n'y a pas plus de saison que de respect de l'Ondam. Au lieu d'un excédent de 600 millions raboté in fine à 100 millions début décembre, la Sécurité sociale selon les prévisions du Haut Conseil du financement de la protection sociale et en l’absence de mesures correctives devrait afficher un déficit à 3,6 milliards d'euros. Shocking pour les adeptes de l'orthodoxie budgétaire. La tornade gilets jaune avec pour réponse les mesures d'urgence de décembre non financées et le vent mauvais de la conjoncture et donc une croissance plus faible que prévu expliquent cette lourde glissade des comptes. Faut-il pour autant supprimer l'Ondam ? À ce stade, aucun responsable ne le demande. Pour autant, les critiques sur la sincérité de sa construction se multiplient ces derniers mois. En octobre dernier, la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale instruit le procès en 35 pages. Et dénonce « une construction et une exécution fragile » en prenant pour travaux pratiques l’examen de l'Ondam 2017. Cette année-là, les évolutions de dépenses sont « encore appréciées de manière imprécise puisqu'elle [l'évolution] ne distingue pas les mesures nouvelles et les évolutions de la structure des dépenses » (p 72). Surtout la Cour des comptes pointe un dépassement récurrent des soins de ville. Le respect « formel » de l'Ondam en 2017 est le résultat du ralentissement de l'activité des hôpitaux. Dans le même temps, la facture pour les établissements de soins se révèle très élevée. Le déficit des hôpitaux publics avait alors quasiment doublé. Et cette saine gestion n'est qu'apparente. En effet, cette année-là, pour la première fois depuis 2011, le déficit combiné de l'assurance maladie et des hôpitaux avait progressé. D'où la demande d'annexer à l'Ondam un objectif de maîtrise des déficits et de la dette des établissements de santé. Après cette première salve, la Fédération hospitalière de France (FHF) a repris le flambeau et dénonce également ces inégalités de « traitement » entre l'enveloppe de ville et l'enveloppe hospitalière dans la construction de l'Ondam. Et voit dans la régulation de l'Ondam une vraie réforme à mener. La FHF a fait ses comptes. Entre 2005 et 2019, les économies demandées aux établissements de santé ont représenté un total de 8,6 milliards d'euros. Dans le même temps, l'hôpital année après année est le bon élève de la classe. L'Ondam hospitalier a en effet augmenté de 6,7 % au lieu de 8 % prévu initialement. Réduction de la durée de séjour, essor de la chirurgie ambulatoire, l’activité à l’hôpital à l’image du climat se modifie à grande vitesse. L’administration n’a pas souhaité le reconnaître en privilégiant plutôt une gestion de court terme. Résultat, les crédits votés et non consommés financent au final les dépassements de l'enveloppe de ville. Enfin, les mécanismes de régulation (dispositifs de crédits gelés en début d'année, régulation prix/volume) frappent exclusivement l'hôpital, même si cette année en 2019, des crédits gelés concernent aussi l'enveloppe de ville. Faut-il crier à l'injustice flagrante ? Après le Leem qui dénonce année après année le médicament comme variable d'ajustement de l'Ondam, la FHF établit le même constat pour l'hôpital. Ce qui se traduit par l'aggravation du déficit, la réduction des dépenses d'investissements et une tension sociale qui menace d'exploser à l'exemple des services d'urgence de l'Assistance-publique-Hôpitaux de Paris.

Financement à la qualité : 1 milliard en 2022

En attendant, la feuille de route présentée par Jean-Marc Aubert en janvier pour réduire la part de la T2A à 50 %, comme s'y est engagé lors de la campagne présidentielle Emmanuel Macron, ne devrait pas provoquer le grand soir. « Cela représentera pour les hôpitaux entre 14 et 15 milliards d'euros de basculement de financement. Ce qui n'est pas rien », avait alors estimé Jean-Marc Aubert. Agnès Buzyn avait prévu d'organiser un forum « afin que tous les Français puissent donner leur avis. Je donnerai des orientations en vue de préparer les mesures de transformation qui seront notamment inscrites dans le budget 2020. » Les Français ont semble-t-il plutôt participé à un autre grand débat. La ministre des Solidarités et de la Santé a toutefois rendu fin avril ses premiers arbitrages. La refonte des modalités de financement de la psychiatrie est programmée entre 2020 à 2022. Quant au financement à la qualité, il est plébiscité par les pouvoirs publics. De 60 millions en 2018 à 200 millions cette année, ce financement devrait atteindre 1 milliard en 2022. Pour autant, cette prime à la qualité ne relève pas de la promenade de santé. Elle est loin d'inciter à un changement accéléré des comportements. Dans une étude consacrée à l'expérimentation menée autour de l'Ifaq (Incitation financière à l'amélioration de la qualité) et publiée dans l'ouvrage récent Manager une organisation de santé, les auteurs notent que « si des actions correctives ont été réalisées […], leurs effets restent, en réalité, assez limités puisque les changements s'opèrent davantage à la marge (Girault et al.2017). On s'aperçoit donc qu'il peut exister un écart entre l'utilisation qui était prévue de l'instrument par les tutelles et les usages qui ont été faits par les agents ».

Un changement dans les pratiques tardif

Le changement dans les pratiques doit donc être programmé plutôt pour demain, voire après-demain. D'autant que l'introduction de nouveaux modes de financement se révèle toujours d'une grande complexité, comme l'affirment Étienne Minvielle et Jean-Claude Moisdon (confère notre journal papier à paraître) et l'expertise dans ce domaine de plus en plus raréfiée.

À ce jour aucun pays n’a souhaité répliquer notre Ondam national. Est-ce une nouvelle démonstration de notre génie national qui n’est pas ailleurs reconnu ?

Manager une organisation de santé : l’apport des sciences de gestion sous la direction d’Etienne Minvielle ; Karine Gallopel-Morvan, Jean-Marie Januel, Mathias Waelli, Presses de l’EHESP, 200 pp., 30 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr