Le Quotidien : Pourquoi la Croix-Rouge française s’intéresse-t-elle au changement climatique ?
Dr Jean-Jacques Eledjman : Il s’agit vraisemblablement du plus grand défi de santé publique du XXIe siècle, donc d’une question humanitaire par définition. Nous en observons déjà les effets : en France, l’année 2018 a été marquée par le 2e été le plus chaud de l’histoire. Et les projections sont alarmantes. D’après l’Organisation mondiale de la santé, entre 2 030 et 2050, dans le monde, nous pourrions avoir 250 000 décès supplémentaires par an liés aux effets du changement climatique (malnutrition, stress thermique, diarrhées…). Selon la Banque mondiale, ces changements sanitaires pourraient plonger 100 millions de personnes dans la pauvreté d’ici 2 030. Il faut réagir. L’adaptation au changement climatique sera le thème central de cette conférence : notre rôle est de réduire les impacts et de renforcer la résilience des populations les plus vulnérables.
En quoi va consister cette conférence ?
Nous la voyons comme une COP humanitaire, à l’image de la COP21. Elle s’articulera autour de trois axes. Le premier est l’examen des liens complexes entre changement climatique et santé. Nous mobilisons les meilleurs experts sur ce sujet : l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation météorologique mondiale, le Lancet countdown [une collaboration scientifique dédiée à l’étude des impacts du climat sur la santé, NDLR], des membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et des acteurs de terrain. Le 2e axe de cette conférence est celui de l’innovation. L’innovation sociale, c’est l’ADN de la Croix-Rouge. Nous mettrons en avant des réponses pour permettre à l’humanité de faire face aux risques des phénomènes climatiques.
Quels types d’innovations ?
Une session présentera par exemple une technique biométrique de l’iris utilisée pour exploiter les données de santé dans les camps de réfugiés. Le dernier axe de cette conférence consistera à sensibiliser les citoyens pour que la santé soit reconnue comme une priorité. Nous comptons en cela sur notre « commission des générations futures », composée de jeunes de 18 à 30 ans. Je veux également souligner la présence de 56 sociétés nationales menacées par le risque climatique : la société des îles Marshall, du Vanuatu, etc.
La Croix-Rouge Française est-elle souvent intervenue sur des problèmes sanitaires liés au changement climatique ?
Oui. Lors des vagues de chaleur de 2018, 67 départements étaient en vigilance canicule. La CRF a mené des actions dans 29 d’entre eux. Après l’ouragan Irma, près de 20 000 personnes ont été accueillies sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Nous intervenons aussi au niveau des épidémies qui s’accentuent Outre-mer. En Guyane, par exemple, le nombre de cas probables de dengue est passé de 16 200 en 2005 à 76 000 en 2016. Le projet est aussi de renforcer la résilience des populations face à la malnutrition au Niger. Une de nos populations phares.
Il y a 100 ans, la fédération internationale Croix-Rouge et Croissant-Rouge était créée à Cannes. La problématique du changement climatique est jeune. N’est-ce pas étonnant de choisir ce thème très récent pour cet anniversaire ?
La fédération est née en mai 1919, en pleine la grippe espagnole qui a fait des millions de morts sans qu’on ait pu imaginer l'émergence d'une telle épidémie. Depuis le début, nous sommes des observateurs de l’évolution sociétale. Cela a donc du sens de nous consacrer au changement climatique car notre vocation a toujours été d’anticiper les problèmes à venir, d’agir en fonction de cette anticipation et d’accompagner ce qui est l’objet même de notre vocation : les plus vulnérables.
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