Un généraliste du Québec contre l'Ordre et les caisses

Doc Albert, porte-parole contre le harcèlement institutionnel

Publié le 07/02/2019
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« Mon histoire, c’est l’histoire du combat d’un médecin vis-à-vis de l’establishment de la santé du Québec qui a abusé de son pouvoir pour détruire ma vie personnelle », explique le Dr Albert Benhaim, auteur du livre « L’exécution » (éditions Homme, 2018). Ce livre a été le déclencheur d’une mobilisation de certains médecins qui ont le sentiment de subir un harcèlement institutionnel de la part de Régie de l’Assurance Maladie du Québec (RAMQ) ou du Collège des Médecins du Québec.

Ce dernier a le pouvoir d’enquêter sur la pratique des médecins par le biais de « syndics », inspecteurs qui ont tout pouvoir d’enquête et sont dotés d’une immunité totale sur leurs agissements. Au Québec, tous les ordres professionnels sont dotés de capacités d’investigations par des « syndics » et c’est en partie pour cela que le combat du Dr Benhaim a eu autant d’échos. Sous les thèmes « vous n’êtes pas seul » et « ne restez pas isolés », la page Facebook Doc Albert a reçu 1,5 million de visites en deux mois et demi. Ses objectifs ? « Nous en avons deux : modifier le Code des professions afin de mieux encadrer le travail des syndics et des inspecteurs et modifier la loi sur le harcèlement moral qui devrait être considéré comme un délit criminel comme en Europe ».

Pénurie de médecins de famille

Le cauchemar du Dr Benhaim a commencé en 2010. À cette époque, au Québec, 2 millions de personnes n’arrivaient pas à trouver de médecin traitant en raison d’une pénurie de « médecins de famille ». Conscients des problèmes d’accès aux soins, le Dr Benhaim et ses associés ont créé un groupe de cabinets ouverts 24 heures sur 24, 365 jours par an où chacun pouvait trouver des généralistes et des spécialistes capables de les prendre en charge en urgence voire à plus long terme comme médecin traitant s’ils le souhaitaient (230 000 patients en 2010).

Pour pouvoir déclarer l’un des médecins du groupe Physimed comme médecin traitant, une demande devait être adressée sur le site, le patient recevait ensuite une liste d’examens à effectuer dans le centre et une date de consultation avec un médecin y exerçant. C’est cette pratique qui a été dénoncée par Annabelle Nicoud une journaliste qui en 2010 a publié un article titré « Un médecin de famille… pour 340 $ ». Interrogée par le Quotidien « La Presse », le Dr Marie-Claude Goulet, présidente des Médecins Québécois pour le régime public déclarait « les gens sont prêts à payer pour voir un médecin de famille. C’est normal. Le problème, c’est que certaines personnes en profitent pour faire de l’argent ».

Bataille par médias et réseaux sociaux interposés

Dès la parution de cet article, le Dr Benhaim a été contrôlé par la RAQM. Il explique dans son livre que l’Assurance maladie lui a demandé de se justifier sur le bilan pré-consultation et sur des actes purement privés non remboursés. La suite est détaillée dans le livre « L’exécution ». Et elle est effrayante. Car, après la RAQM, le Collège des Médecins – l’équivalent de l’Ordre – et ses inquisiteurs « syndics » ont pratiqué un véritable « harcèlement institutionnel » principalement centré sur les conditions d’exercice hors remboursement du Dr Benhaim.

Huit ans après, et après plusieurs interdictions d’exercice, ce médecin est devenu le porte-parole de médecins victimes comme lui de  la destruction de leur vie professionnelle et personnelle orchestrée par un Collège des médecins « qui n’a reculé devant aucune manœuvre déloyale ou abus de pouvoir pour l’exécuter professionnellement et moralement et le briser financièrement ». Il dénonce aussi « l’absence d’imputabilité des syndics d’ordre professionnels qui n’ont pas de compte à rendre de leurs actes et qui ne peuvent être sanctionnés, quelles que soient leurs méthodes d’investigation et de mise en cause ».

Par presse et réseaux sociaux interposés, la bataille entre le Dr Benhaim et le Collège a pris de l’ampleur. Elle a permis de libérer la parole de certains médecins ou de famille de praticiens qui ont tenté de mettre fin à leurs jours de médiatiser une situation de remise en question de l’activité qui est le plus souvent vécue dans l’intimité comme une honte et publiquement comme une ostracisation.

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin: 9713