Une première médicale à la Pitié-Salpêtrière

Des ultrasons pour améliorer la diffusion des traitements contre le glioblastome

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Publié le 20/06/2016
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glioblastome

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Crédit photo : PHANIE

Des chercheurs français sont parvenus à améliorer la diffusion d'une chimiothérapie appliquée à des patients atteints de glioblastome. Les équipes de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l'INSERM, coordonnées par le Pr Alexandre Carpentier (groupe de neuro-oncologie de la Pitié Salpêtrière), ont utilisé les ultrasons de basse intensité pour rendre localement plus perméable la barrière hémato encéphalique isolant les neurones de la circulation sanguine.

Deux minutes qui font toute la différence

Selon les résultats de l'essai clinique publié dans « Science Translational Medicine », les auteurs ont recruté 20 patients en situation de récidive d'un glioblastome. Quelques minutes avant le début d'une chimiothérapie par carboplatine, les implants SonoCloud (mis au point par la start-up CarThéra fondée par le Pr Carpentier) sont activés pendant 2 minutes, ce qui suffit à perméabiliser la barrière hémato encéphalique pendant les 6 heures qui suivent et à multiplier par 5 la diffusion de la molécule dans le cerveau du patient.

La pose de ces implants de 11,5 mm prend 15 minutes sous anesthésie locale. Le dispositif reste en place entre chaque séance. « L'implant est totalement IRM compatible, n'a pas de batterie et le patient ne ressent aucune gêne, précise le Pr Carpentier. On avait prévu de les retirer au bout de 6 mois mais les patients nous ont demandé de les garder. Cela a même été le cas pour un patient recruté par erreur chez qui une radionécrose avait été prise pour une tumeur. »

Un premier groupe de 5 patients a bénéficié de doses de 0,5 mPa. Un deuxième groupe recevait des doses de 0,65 mPa, certains patients de ce deuxième groupe pouvaient monter jusqu'à 0,95 mPa, ceux du groupe 3 recevaient 0,8 mPa, les patients du groupe 4 recevaient une dose de 0,95 mPa, les patients du groupe 5 recevaient une dose de 1,1 Pa. En tous, 41 séances ont été réalisées.

La littérature scientifique indique que de tels patients ont une survie sans progression de la tumeur de 2 mois. Au cours de l'étude, un des patients ayant une altération de grade 3 de la barrière hémato encéphalique n'avait pas de progression de la maladie 4 mois après la fin de l'étude.

Coup de boost aux macrophages

Aucun signe d'hémorragie, d'ischémie ou d'œdème n'a été observé immédiatement après l'exposition aux ultrasons. Certains patients se sont toutefois plaints de douleurs mineures ou de malaise vagal. Un AVC de 4 mm a également été observé chez un des patients. Un autre patient a développé un œdème péritumoral 14 jours après l'exposition aux ultrasons qui a nécessité une hospitalisation de 48 heures. « Si on ouvrait de façon chronique la barrière hématoencéphalique, cela pourrait être dangereux, mais une ouverture de 6 heures est sans danger, poursuit le Pr Carpentier. Outre la chimiothérapie, on laisse entrer de l'albumine qui a un effet stimulant du système microglial et booste l'effet macrophage du cerveau. »

Les auteurs n'ont pas choisi la carboplatine par hasard. Comme l'explique le Pr Carpentier : « En dehors du témozolomide qui rentre dans le cerveau à hauteur de 25 % et de la carmustine qui entre à 15 %, tous les autres anti cancéreux ne pénètrent dans le cerveau qu'à des taux de 4 à 5 %. Nous avons pris la carboplatine car nous avons suffisamment de données précliniques qui montrent qu'il n'est pas neurotoxique. Quand nous testerons cette méthode avec d'autres molécules, il faudra s'assurer qu'elle ne présente pas de danger ». Seule contre-indication de la technique : les patients sous anticoagulants. Des ouvertures de barrière hémato encéphalique dans la zone du langage n'ont pas provoqué de trouble chez les patients.

Des applications dans la maladie d'Alzheimer

L'essai de « Science Translational Medecine » n'est qu'une étude de phase I/IIa, il est donc trop tôt pour présumer de son efficacité dans la réduction de la taille de la tumeur. Un essai de phase III est déjà sur les rails et devrait débuter « d'ici un an et demi », selon le Pr Carpentier. D'autres applications sont déjà envisagées : faire pénétrer des anticorps monoclonaux, qui ne sont pas neurotoxiques, dirigés contre d'autres cancers, ou contre les plaques bêta amyloïdes des patients Alzheimer. Un essai dans la maladie d'Alzheimer est d'ailleurs prévu, en collaboration avec le Pr Bruno Dubois, responsable du centre des maladies cognitives et comportementales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « Beaucoup de centres nous appellent pour traiter les métastases du mélanome, et les gliomes diffus du tronc de l'enfant, une pathologie dramatique où les enfants meurent en 18 mois », souligne le Pr Carpentier. Cette technologie devrait être disponible chez l'homme en 2020.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9506