Alors que selon une estimation de MG France, plus d’un million et demi de personnes atteintes par le coronavirus aurait déjà été pris en charge par des généralistes, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a émis ce mercredi un avis qui recadre la prise en charge en ambulatoire des patients Covid. Beaucoup plus médical que les recos de la DGS, ce document met notamment l’accent sur la forte valeur pronostique de la saturation et remet l’examen clinique sur le devant de la scène.
Attention à la saturation
Si « le contact par téléphone ou en téléconsultation permet d’évaluer la situation, […] dans certaines situations, l’examen clinique s’avère indispensable en particulier pour mesurer la saturation périphérique en oxygène et la fréquence respiratoire » souligne le HCSP.
Parmi les critères pouvant nécessiter une prise en charge hospitalière qui « doivent être recherchés d’emblée », la saturation périphérique en oxygène est en effet considéré comme « un élément essentiel ». Le seuil de 90 % retenu comme un critère de gravité nécessitant d’appeler le Samu (en l’absence de pneumopathie) reste inchangé. Mais le HCSP considère désormais qu’une "simple" diminution sous la barre des 95 % constitue déjà un signe d’alerte majeur en faveur d’une possible aggravation d’évolution très rapide, justifiant une hospitalisation, même en l’absence de pneumopathie. Dès ce stade, « on s’est rendu compte que les patients pouvaient se dégrader très vite », explique le Pr Serge Gilberg, généraliste à Paris et vice-président du Collège de la médecine générale. D’où l’idée de les surveiller à l’hôpital.
Les limites de la téléconsultation
Dans ce contexte, « on se rend bien compte des limites de la téléconsultation, poursuit le Pr Gilberg. Cela peut être une aide au tri et à la régulation et permettre ensuite le suivi des patients. Mais au moindre doute et dès qu’on sent que les malades ne sont "pas bien", il faut les examiner, les ausculter, mesurer la saturation, la fréquence respiratoire, etc. L’idée que l’on pouvait évaluer la dyspnée juste avec la parole a montré toutes ces limites… ». De plus, « il est possible d’observer une désaturation en oxygène chez un patient qui ne se plaint pas de dyspnée » prévient le HCSP. A contrario, « on a vu beaucoup de patients se plaignant de dyspnée qui était en fait liée à l’angoisse » ajoute le Pr Gilberg.
Pas de scanner thoracique…
Un autre message important de cet avis « est de ne pas faire de scanner », souligne le Pr Gilberg. Dans la lignée de la HAS, les experts du HCSP considèrent en effet qu’il n’y a pas d’indication à réaliser un scanner thoracique à des fins de dépistage du Covid-19 chez des patients non symptomatiques ou pauci symptomatiques. La radiographie thoracique est pour sa part peu contributive, les lésions à type de verres dépolis étant peu opaques
… ni d’examens biologiques systématiques
Le ton est aussi à la parcimonie concernant les examens biologiques. La recherche du virus par PCR « doit être réalisée dans les situations figurant dans la liste de priorisation diagnostique », soit pour le moment essentiellement les patients sévères ou à risque de formes graves.
« Aucun autre examen biologique n’est recommandé de manière systématique ». En ambulatoire des explorations biologiques peuvent être nécessaires « en cas de doute diagnostique clinique sur une pneumopathie bactérienne (NFS, CRP) » ou dans le cadre d’un « bilan de décompensation d’une pathologie préexistante (diabète, insuffisance rénale...) ».
Pas d’antibiothérapie systématique
Même réserve en matière de traitement. En l’absence de pneumonie, seul un traitement symptomatique est recommandé, « les anti-inflammatoires devant être proscrits ». Par ailleurs, « à ce jour, aucune prescription de traitement à effet antiviral attendu n’est recommandée en ambulatoire en dehors d’essais cliniques ». Enfin, en l’absence de signes en faveur d’une pneumonie bactérienne, aucune antibiothérapie systématique n’est préconisée en cas de COVID-19 suspecté ou confirmé. Un traitement probabiliste peut être instauré en cas de suspicion de pneumonie aiguë communautaire, une symptomatologie dominée par la dyspnée devant faire préférer l’azithromycine tandis que l’association acide clavulanique-amoxicilline doit être privilégiée si l’expectoration est au premier plan.
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