LORS DU DERNIER CONGRÈS de la Société européenne de contraception (Prague, 2008), les intervenants ont beaucoup insisté sur la situation d’échec des différents pays européens. En Angleterre, malgré un remboursement de tous les modes de contraception, le nombre d’IVG ne cesse d’augmenter.
En France métropolitaine en 2006 on a déploré 209 699 IVG soit 14,4 pour 1 000 femmes. Chez les adolescentes de 15 à 17 ans, le taux d’IVG a été de 11,5 pour mille en 2006 ; il est en augmentation puisqu’il était de 8,9 pour mille en 2002. Dans les départements d’outre mer, le chiffre global est encore beaucoup plus élevé, 34,7 pour mille en Guyane (1).
Ce phénomène mérite que l’on se pose des questions car les produits mis à disposition sont de bonne qualité.
La diminution des doses d’éthinylestradiol (50 à 15 microg/jour), l’arrivée des progestatifs de 3e génération voire 4e génération avec la drospirenone ont permis la quasi-résolution des effets nocifs sur le plan artériel et veineux.
Bien qu’utilisés par 55 % des femmes en France, 20 % en Europe et 28 % seulement en Angleterre où ils sont pourtant remboursés, les estroprogestatifs font encore peur en raison de la prise de poids, des modifications d’humeur, des migraines qu’ils peuvent engendrer sans parler encore de la crainte du cancer.
L’association au tabac est néfaste ; elles le savent... et préfèrent arrêter la contraception !!
De 30 à 50 % des femmes vont arrêter leur pilule dans la première année, 11 % après le premier mois, la majorité dans les six mois. Plus de 50 % des adolescentes arrêtent dans les trois premiers mois.
Les chiffres de vente des estroprogestatifs s’effritent d’année en année : 61 millions de plaquettes vendues en 2007 – 65 millions en 2003.
Le comportement n’est pas particulier aux Françaises ; les Européennes et les Américaines ont le même(2) (3).
L’enquête INPES BVA (février 2007) a montré pourtant que 66 % des personnes en âge de procréer utilisaient un moyen contraceptif (4) : 58 % les estroprogestatifs, 28 % les préservatifs, 21 % les DIU, 8 % les autres méthodes.
Connaissances limitées.
Les connaissances des produits ont des limites quant à leur possibilité d’utilisation : délai de la contraception d’urgence sous estimé, DIU réservé aux femmes ayant déjà un enfant…
Selon cette enquête, le médecin généraliste ou spécialiste a un rôle de relais prépondérant. Il est épaulé pour la diffusion par les grands médias (télévision) ou la presse.
Alors qu’au début de la contraception, elles ne recherchaient qu’une efficacité contraceptive, en 2009, elles connaissent les effets positifs des estroprogestatifs sur la diminution des kystes fonctionnels, des cancers de l’ovaire, du colon et de l’endomètre, la diminution des infections utéroannexielles. Elles demandent un effet sur l’acné, sur le syndrome prémenstruel, sur le poids...
La prescription de la contraception doit tenir compte des perceptions individuelles, socio-psychologiques et culturelles différent chez chaque patiente.
Paradoxe chez l’adolescente.
Chez l’adolescente, par exemple, il existe un paradoxe qu’il ne faut pas oublier : elle est déjà mature physiquement, sexuellement compétente dès 13 ans et pourtant socialement immature. L’acte sexuel chez elle est idéalisé et n’aboutit pas forcément à une grossesse ! Et pourtant, elles consultent puisque 90 % des jeunes filles de 16 ans à 19 ans prennent une contraception, pilule estroprogestative dans la majorité des cas.
C’est donc au médecin à les prendre en charge.
La consultation de contraception, comme celle de ménopause, doit être un moment privilégié d’éducation, d’écoute. Elle ne doit pas se résumer à « l’ordonnance » pour plusieurs mois.
Il faut expliquer, revoir, faire le point, être accessible en cas de doute au moins par téléphone. À tous moments, il faut évaluer les effets secondaires qui pourraient faire interrompre la « pilule ». Bien sûr, tenir compte des préférences de chacune sans rien imposer.
L’adhésion au produit est nécessaire à son observance. Les contraceptions de longue durée sont à envisager en cas de difficulté. Une étude récente présentée lors du dernier congrès de la Société européenne de contraception (Prague 2008) en effet, montre que l’anneau vaginal Nuvaring avait un taux de continuation à 3 mois de 94,6 % chez les patientes qui l’avaient utilisé.
Les secteurs de diffusion de l’information (télévision et presse) vont surtout toucher les adultes, parents ou utilisateurs.
Collège et lycée.
Pour arriver à motiver les adolescentes, le passage obligé est le collège ou le lycée.
Il existe, bien sûr, des textes traitant de l’éducation de la sexualité notamment la circulaire n° 20032-027 du 17 février 2003 (5).
Elle rappelle les dispositions de l’article 22 de la loi n° 2001 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui désormais complètent le chapitre II du titre I du livre III du code de l’éducation par un article L.312-16 aux termes duquel : « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d’autres intervenants extérieurs conformément à l’article 9 du décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la Santé pourront également y être associés ».
On le voit, c’est le directeur du collège ou du lycée qui est la cheville ouvrière du dispositif. Il va pouvoir s’appuyer sur des intervenants extérieurs.
Les médecins, généralistes ou spécialistes, devraient s’impliquer davantage et pouvoir être sollicités dans leur ville, apporter l’information hors du cabinet et de consultation. L’exemple du Pr Nizand à Strasbourg est intéressant : les médecins de la maternité dont il est chef de service vont régulièrement dans les établissements de la ville dans ce but. L’information quelle qu’elle soit, par tous les moyens possibles, doit expliquer les différentes méthodes et leur mode d’utilisation.
On le voit, la prise en charge de la contraception des femmes en 2009 doit les impliquer mais doit aussi impliquer davantage leur médecin. Celui-ci doit se tenir au courant des nouveautés actuelles tant au niveau des produits que de la façon d’être prescrits. À ce sujet, la méthode du Quick Start préconisant le début de la prise d’estroprogestatifs dans le cabinet de consultation du praticien, après avoir éliminé une grossesse éventuelle et préconisée par certains (6).
L’usage des contraceptifs de longue durée (DIU, implants, anneaux vaginaux, patchs) devra certainement être développé.
La mise sur le marché prochaine de pilules utilisant le 17 bêta estradiol comme estrogène devrait diminuer l’impact cardiovasculaire de celles associant aux progestatifs l’éthinyl estradiol. L’estétrol, un autre estrogène, pourrait également être intéressant à considérer.
Le composé progestatif lui aussi devrait évoluer : utilisation de la nestorone, arrivée des SPRM (modulateurs sélectifs du récepteur à la progestérone).
Les produits vont donc encore s’améliorer, il faudra les prescrire en expliquant, convaincre afin d’améliorer leur observance pour éviter ce nombre d’IVG ou de grossesses non désirées.
› Dr LYDIA MARIÉ-SCEMAMA
Bibliographie :
(1) Contraception, David Serfati, GENESIS 134 p. 17.
(2) Women’s contraceptive practices and sexual behaviour in Europe. David Cibula Dep. of Obstetrics an Gynaecology, General Faculty Hospital, Charles University, Prague. The European journal of contraception and reproductive health care. Dec. 2008 ; 13(4) : 362-375.
(3) Wisconsin Medical Journal 2008. Women’s knowledge of commonly used contraceptive methods. Sarina Schrager, MD, Sarah Hoffmann, BS – vol. 107, n° 7.
(4) INPES BVA : les Français et la contraception, 2 mars 2007. www.inpes.sante.fr.
(5) L’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées, NOR : MENE0300322C. RLR : 505-7. Circulaire n° 2003-27 du 17/2/2003. MEN. DESCO B4. www.education.gouv.fr/bo/2003/9/ensel.htm
(6) La revue du praticien gynécologie obstétrique, mars 2007 : intérêt du quick start. P.13.
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