Un Français sélectionné pour une simulation vers Mars

Comme un reality show scientifique

Publié le 03/03/2009
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CYRILLE FOURNIER, 40 ans, commandant de bord d’Air France sur Airbus A 320, est arrivé à Moscou au siège de l’Institut russe pour les problèmes biomédicaux (IRPB), pour les ultimes contrôles médicaux : ECG d’effort et de repos, radios et échographies, examens sanguins. À la fin du mois, le pilote « embarquera » à l’intérieur d’une maquette reproduisant le décor de l’ISS (station spatiale internationale), avec l’ingénieur allemand Oliver Knickel, autre sélectionné parmi les 5 680 candidats issus de 18 pays européens. Ils y rejoindront quatre Russes, pour une simulation menée conjointement par l’ESA (Agence spatiale européenne) et l’IRPB, deux doublures, les Français Cédric Mabillote, 34 ans, et Arc’hanmael Gaillard, 32 ans, se tenant prêts, si nécessaire, à les relayer.

Pendant 105 jours, ces voyageurs immobiles vont tester au sol les conditions du premier vol vers Mars, que la NASA espère réaliser en 2037. Chacun d’eux occupera un compartiment individuel de 3 m 2, avec coin kitchenette et toilettes, à bord d’un loft de 200 m 2 équipé d’un sauna et d’une salle de gymnastique, sur le modèle de l’ISS. En totale autarcie comme à bord de la station internationale, ils ne communiqueront avec l’extérieur que par une liaison audio en « temps relatif », c’est-à-dire avec un décalage de transmission de 20 minutes entre l’émission et la réception des messages, ce délai pouvant atteindre 45 minutes lors d’un vol réel, au plus fort de l’éloignement entre la terre et l’engin spatial. De même, ils seront soumis au régime alimentaire des cosmonautes de l’ISS.

Batterie d’expériences de télémédecine.

Quatre heures par jour, ces cobayes se prêteront à une batterie d’expériences de télémédecine, microbiologie, immunologie, physiologie et psychologie. Un programme d’autant plus innovant que, dans le passé, de semblables mises à l’isolement n’ont pas excédé 30 jours. Les effets du confinement sur le stress, la régulation hormonale, le système immunitaire, la qualité du sommeil, l’efficacité des compléments diététiques vont être enregistrés et analysés.

Ce sont surtout les aspects psychologiques qui focalisent l’attention. « Ces quatre hommes sont extrêmement motivés, précise la responsable de l’expérience, le Dr Jennifer Ngo-Anh, tous aiment l’aventure et sont ambitieux tout en ayant l’esprit d’équipe. La sélection s’est appuyée autant sur la compatibilité des défauts et des qualités des candidats entre eux que sur l’examen de leur anamnèse personnelle détaillée (interventions, régimes, traitements médicamenteux, problèmes allergiques, neurologiques, cardio-vasculaires, respiratoires, ORL, ophtalmologiques, gastro-intestinaux, urogénitaux, métaboliques et endocriniens), la leur ainsi que celles de leurs parents, frères et sœurs et enfants. Les parcours familiaux, scolaires et universitaires de chacun ont aussi fait l’objet d’une série de tests. Par certains aspects, ce concept expérimental, qui sera filmé par plusieurs caméras, est évocateur d’un show de téléréalité, mais avec une rigoureuse approche scientifique. »

« L’aspect le plus délicat de la mission, pronostique Cyrille Fournier, résidera sans doute dans les multiples petits détails de notre vie quotidienne, avec toutes les péripéties qui pourront survenir à bord sans que nous les ayons prévues et que nous ayons pu nous y préparer. » Par ailleurs responsable du programme antistress proposé par Air France aux passagers phobiques de l’avion, le pilote souligne que le facteur humain représentera « l’enjeu le plus significatif » de ces quinze semaines.

La prochaine étape, Mars 500, lancée fin décembre, verra un autre équipage de six personnes enfermé pour un vol simulé et un confinement bien réel de 520 jours, soit la durée réelle de l’aller-retour Terre-Mars.

 CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr