Insuffisance cardiaque aigüe

Changer de paradigme

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Publié le 15/06/2017
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insuffisance cardiaque

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Crédit photo : Phanie

L’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) n’est pas une maladie mais un évènement au cours de la pathologie chronique qu’est l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr). Si elle peut mettre en jeu le pronostic vital à court et moyen terme, il est peu probable qu’un traitement de quelques heures ou jours qu’on lui appliquerait puisse améliorer le pronostic à long terme. Le concept de souffrance myocytaire, traduite par la faible élévation de la troponine ultrasensible constatée au cours de l’ICA, générée par l’élévation des pressions de remplissage, qui aurait pu induire une dégradation myocardique néfaste à long terme, n’est peut-être qu’une vision de l’esprit. En effet, à la différence du syndrome coronarien aigu où la rupture de la plaque athéromateuse représente un évènement nouveau nécessitant une prise en charge thérapeutique spécifique à court, moyen et long terme, les épisodes d’ICA ne constituent que l’évolution, certes parfois grave, d’une pathologie chronique dont seul le traitement de fond pourra être efficace à long terme. Il faut donc changer de paradigme dans la prise en charge de cet évènement sentinelle traduisant l’aggravation de l’ICFEr.

Adapter le traitement et détecter précocement

La première étape est de démembrer ce syndrome complexe constitué de plusieurs phénotypes pour proposer une prise en charge spécifique et non un traitement standard, uniforme, le traitement d’un œdème aigu du poumon (OAP) hypertensif, d’une poussée œdémateuse ou celui d’un choc cardiogénique étant totalement opposés.

La deuxième étape est d’essayer de détecter précocement les patients à haut risque évolutif qui pourraient nécessiter un traitement spécifique, en se focalisant sur les patients ne répondant pas au traitement initial, décongestionnant, basé sur la prise de diurétiques associés ou non en fonction du niveau tensionnel aux vasodilatateurs, et sur ceux présentant une dégradation de leur fonction rénale. En effet, il ne sert à rien de proposer de nouveaux traitements à la majorité des patients qui répondent parfaitement au traitement de première ligne, améliorant la dyspnée et rétablissant l’euvolémie, dont le pronostic n’est pas engagé, comme c’était le cas de nombreux patients inclus dans l’étude RELAX-AHF-2. À l’opposé, les patients les plus sévères pourraient tirer bénéfice de nouveaux traitements pour améliorer leur pronostic à court et à moyen terme, constituent la cible des futurs essais thérapeutiques dont le critère de jugement ne devra pas porter sur le long terme (la mortalité à 6 ou 12 mois), mais le court (aggravation de l’insuffisance cardiaque en phase hospitalière) ou surtout le moyen terme (décès ou réhospitalisation à un mois).

Prévenir l’ICA

La troisième étape, probablement essentielle, est de s’opposer à l’aggravation de la maladie chronique qui a conduit à l’admission pour ICA qui n’est que le témoin de l’évolution de l’ICFEr, permettant d’identifier des patients à haut risque de décès ou de réhospitalisation à moyen terme. Le meilleur traitement sera alors celui de l’ICFEr et il faut donc poursuivre la recherche dans ce domaine, en testant de nouveaux médicaments à initier soit au décours des hospitalisations pour ICA, c’est par exemple le cas du LCZ696 dans l’essai TRANSITION, soit au mieux en amont pour prévenir les décompensations en dépistant ces patients grâce à une amélioration du suivi des insuffisants cardiaques chroniques, peut être grâce à la télésurveillance.

Ainsi, il est irréaliste de penser qu’un traitement à court terme de l’ICA par des agents vaso-actifs puisse améliorer le pronostic à long terme de cette maladie chronique, la survenue d’une hospitalisation pour décompensation doit être un signal d’alerte traduisant l’évolutivité de l’ICFEr, identifiant des patients à haut risque et imposant une amélioration du traitement de fond dont la recherche doit se poursuivre.

Fédération de cardiologie,UMR UT3 CNRS 5288, université Paul Sabatier-Toulouse III, faculté de Médecine (Toulouse)

Pr Michel Galinier

Source : Bilan Spécialiste