LE QUOTIDIEN : Vous avez effectué de nombreux stages à l’étranger durant vos études de médecine suivies à Paris (Université Pierre et Marie Curie, Pitié-Salpêtrière) et votre internat (CHU de Tours). Quelles ont été vos principales expériences et motivations ?
PATRICK OMOUMI : Pendant mes études, j’étais convaincu qu’il était possible d’enseigner la médecine autrement. J’étais impressionné par la clarté des ouvrages anglo-saxons. C’est ce qui m’a motivé, pendant mon externat, pour effectuer deux stages d’été en Amérique du Nord : d’abord aux États-Unis (Tulane University, Nouvelle-Orléans), puis au Canada (McGill University, Montréal).
Par la suite, durant mon internat, je me souviens avoir été frustré par le manque de collaboration entre médecins nucléaires et radiologues. Je voulais me former en PET-CT dans un pays où les radiologues et les médecins nucléaires interprètent ensemble les examens. C’était notamment le cas en Argentine. J’ai donc décidé de faire un stage de six mois à l’hôpital italien de Buenos Aires. Cette expérience m’a fait découvrir, par hasard, l’imagerie ostéo-articulaire ; je suis dès lors tombé amoureux de cette spécialité !
Quels ont été vos choix professionnels vers la fin de votre internat ?
De retour en France, au CHU de Tours, j’étais convaincu de vouloir m’orienter vers une carrière universitaire et j’ai exposé mon souhait de me spécialiser dans l’imagerie ostéo-articulaire dans des centres de référence en la matière, à Bruxelles et à San Diego. J’ai eu la chance d’avoir été soutenu par mes patrons à Tours, notamment le Pr Alison. J’ai alors effectué un inter-CHU de 6 mois à Bruxelles où la formidable équipe composée des Prs Maldague, Malghem, Vande Berg et Lecouvet m’a très largement conforté dans mes choix. Puis, j’ai obtenu la médaille d’or du CHU de Tours qui m’a permis –à la fin de mon internat, en 2008– de travailler en tant que chercheur pendant un an à l’université de San Diego, dans le service du Pr Resnick. À ce moment-là, trois possibilités s’offraient à moi : rester aux États-Unis pour y poursuivre la recherche ; rentrer à Tours (où l’on m’avait proposé un poste de PU-PH) ou encore, rejoindre Bruxelles. J’ai choisi cette dernière option. Je voulais continuer à poursuivre ma formation clinique dans une grande équipe. Je suis resté quatre ans à Bruxelles, en tant que clinicien, mais aussi chercheur. J’y ai notamment entrepris une thèse de science, sous la direction de mon mentor, Bruno Vande Berg. Lorsque l’on m’a proposé un poste en Suisse, j’ai longtemps hésité à quitter cette équipe.
Vous vous occupez, depuis novembre 2013, de la gestion de l’unité d’imagerie musculosquelettique au sein du service de radiologie du CHU de Lausanne. Pourquoi restez-vous à l’étranger, en Suisse ?
Mon poste actuel est très stimulant intellectuellement. Je travaille avec un confrère que j’ai connu à Bruxelles, avec qui je partage les mêmes façons de travailler et la même vision : nous avons décidé de monter ensemble cette unité d’imagerie musculosquelettique. C’est un réel défi. Par ailleurs, l’environnement est favorable à la recherche : nous avons du temps et des moyens pour nous y consacrer. Nous avons, par exemple, accès à un plateau technique exceptionnel, des collaborations avec des collègues ingénieurs qui travaillent en partenariat étroit avec le CHU, et plus généralement, beaucoup de moyens développés à l’échelle fédérale pour favoriser la recherche.
Pensez-vous, tout de même, rentrer un jour en France ?
Mon parcours m’a appris qu’on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait et je n’exclus évidemment pas de rentrer en France un jour. J’ai aussi appris qu’il n’y a pas de paradis sur Terre et qu’on ne valorise pas suffisamment ce que l’on a chez soi.
La France bénéficie, j’ai pu le vérifier, de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Quant à la formation des internes, elle est exceptionnelle. C’est un vrai trésor dont on n’a pas assez conscience. Je l’ai découvert à l’étranger : le niveau des médecins ayant passé le concours de l’internat est très nettement supérieur comparé à ceux qui n’ont pas passé ce type de concours.
Et quel est selon vous le principal défaut du système universitaire actuel en France ?
En travaillant à l’étranger (à Bruxelles et San Diego, notamment), j’ai découvert le quotidien des grosses équipes spécialisées dans l’imagerie ostéo-articulaire où plusieurs professeurs travaillent dans la même unité. Cela n’existe malheureusement pas en France : on demande souvent au seul chef de service de porter, avec brio, quatre casquettes à la fois (celui de clinicien, d’enseignant, de chercheur et de gestionnaire de service). Difficile, selon moi.
Vous êtes d’origine persane, votre histoire personnelle –l’immigration de vos parents, notamment– explique-t-elle, également, votre soif de découverte de cultures et de pratiques médicales différentes ?
Tout à fait. En 1984, lorsque mes parents ont migré en France, ils ont tout perdu (leurs attaches familiales et amicales, leur maison, leurs postes à Téhéran…) pour recommencer à zéro, à Paris. En Iran, mon père était architecte (professeur à l’université de Téhéran) et ma mère, diplômée de sciences Po. Ils m’ont appris à ne pas avoir peur du mouvement et à toujours aller chercher le meilleur, même si celui-ci se trouve ailleurs, dans un autre pays. En multipliant les expériences à l’étranger, j’ai réussi à me prouver que j’étais capable de le faire. Je recherchais l’enrichissement personnel, avec toujours en ligne de mire, ma formation, que je voulais la plus complète possible.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants en médecine, qui, comme vous, souhaiteraient quitter la France pour multiplier les expériences à l’étranger ?
Deux messages importants : travailler à l’étranger est difficile, il faut pouvoir s’adapter à un milieu, à une culture et à des pratiques médicales différents. Mais si on est prêt à faire quelques sacrifices et surtout à être persévérant, je ne peux qu’encourager les jeunes à s’expatrier durant leur formation. Ils en ressortiront grandis, sans aucun doute.
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