Nous étions médecins, par opposition aux spécialistes qui se sont déployés, nous sommes devenus généralistes. Non ! Bobologues coûteux sur modèle knockien pour les politiques, mais médecins de famille pour nos patients, confidents ou curés pour certains, car ils ne se confient pas au premier venu. Certains, sentant leur ego bafoué après tant d’études longues et difficiles se sont plaints, mais contrairement à la beauté de la figure de style du clair-obscur, un généraliste-spécialiste, c’est du (Knock)², aussi on les affubla d’un nouveau nom — n’oublions pas que pour un politique le moindre mot a du sens —, celui de médecin traitant, avant d’accepter qu’ils se déguisent en spécialistes, bien sûr sans les honoraires qui vont avec le statut, l’inverse étant hors du politiquement correct. Mais un médecin traitant, il est spécialiste en quoi ?
On peut décrire le parcours du patient en quatre phases. Une première d’observation, disons, une seconde qui comprend tout ce qui est préliminaire à la phase diagnostique, une troisième qui est celle du choix du traitement, et la dernière qui est celle de la surveillance du traitement. Si nous nous plaçons dans le cadre de la santé publique, seule médecine qui intéresse les politiques, médecine qui ne s’intéresse en réalité qu’aux catastrophiques pathologies générées par notre modèle de vie, le médecin traitant doit se placer uniquement au niveau de la quatrième phase.
Le bobologue a été désigné comme le baudet de la fable, le seul responsable de la peste déficitaire, tous les autres intervenants étant de petits saints qu’il faut récompenser, il faut le lui faire savoir. Phase diagnostique et pose du traitement ? C’est voler le pain des spécialistes. Phase d’observation ? Knock, il faut te remplacer par l’infirmière, le kiné ou le pharmacien ; les kinés examinent mieux que nous, non ? Ton rôle, maintenant que tu as le titre de spécialiste, c’est de rester derrière ton ordinateur pour gérer les données récoltées par les assistants, et, sous contrôle de protocoles, les directives des spécialistes (les vrais) ; en réalité tu es devenu spécialiste en gestion de dépenses, credo de la médecine comptable. Et s’il lui reste du temps, il pourra faire un peu de médecine gé.. pardon, de la bobologie, à ses frais.
La médecine générale intéresse-t-elle les politiques ? Soyons sérieux, on est maintenant des médecins traitants ! Un des dogmes politiques est l’adaptabilité de l’être humain à tout changement ! Mais à quel prix ! Car qui dit adaptabilité, dit camouflage de ce qui ne va pas… jusqu’à l’accident : diabète, infarctus myocardique, AVC, accident du travail, de la route, dépression, suicide… Et cette phase latente se manifeste très souvent par des signes peu évocateurs, on est en pleine "bobologie". Parlez-en aux patients atteints de Lyme pour connaître leur long ressenti relationnel avant diagnostic. Alors, au lieu de renforcer les compétences des généralistes, les politiques ont préféré les tuer de peur qu’ils découvrent la seule et vraie responsabilité de la gestion politique, dans la survenue à croissance exponentielle des maladies.
Mais nous n’avons pas tout perdu : Médecins traitants, maintenant qu’on nous permet de vivre dans l’illusion d’être des spécialistes nous fonctionnons tout naturellement comme des spécialistes : secrétariat faisant barrage, plus de visites à domicile, plus d’horaires impossibles, plus de visites de nuit, plus d’urgences, rien que des consultations minutées avec délais, allégées aussi par des assistant(e)s comme chez les meilleurs spécialistes surbookés. Les politiques ont tué les généralistes ? Bravo, ils ont enfin atteint, avec du temps et de la ténacité, l’objectif de leur dogme de médecine comptable, mais objectif irréfléchi car largement dépassé, sous forme de désert quasi généralisé ! Entendons-nous sur ce terme ; on parle de désert en termes de distance d’accès, en réalité, il serait plus honnête de parler de désert en temps d’accès. Généralistes, urgences, spécialistes : la France est devenue un total désert. Quand on enlève les pierres de soutènement d’un édifice, il s’écroule. Médecin traitant spécialiste, en place de généraliste, trois mots lourds de sens, qui ont fini de faire vaciller le fragile équilibre de notre système de soins, et qu’on étaye dans une urgence permanente — un temps plein pour ministre — à coups de sparadraps aussi coûteux qu’inefficaces.
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