Prescription des produits de santé

Biosimilaires : décollage à l'hôpital, freins en ville

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Publié le 09/07/2018
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biosimilaires

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Après un démarrage lent, le marché français des biosimilaires est en plein développement, mais de manière inégale.

La diffusion « décolle à l’hôpital et stagne en ville », a explicité Claude Le Pen, économiste de la santé, lors d'un colloque* sur le sujet à Paris. À l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), « nous parvenons à échanger rapidement un médicament biologique de référence pour son similaire », témoigne Pascal Paubel, praticien hospitalier, et ce « grâce à l’appui de la direction générale qui a compris l'enjeu financier, grâce aussi à un consensus médical et un travail étroit entre médecins et pharmaciens. » Il souligne que pour certains médicaments intrahospitaliers, comme Infliximab, le « switch » entre un médicament d'origine vers un biosimilaire atteint 89 % avec une accélération depuis huit mois. « Et avec les biosimilaires de Mabthéra (Rituximab), nous avons déjà atteint 89 % du volume de prescription ».  

Freins

En ville en revanche, la diffusion des biosimilaires reste à la traîne en raison de freins persistants : défaut d’information des prescripteurs, règles complexes et absence de substitution par les pharmaciens d'officine. Dans son rapport sur les charges et produits 2019, la CNAM envisage des plans d'actions régionaux et des campagnes d'accompagnement des prescripteurs libéraux « en entretiens confraternels sur les biosimilaires ». 

Moins onéreux que les médicaments biologiques de référence (20 à 30 % de différence de prix), le développement des biosimilaires constitue un précieux levier de maîtrise des coûts. En septembre 2017, la Cour des comptes avait estimé le gisement d’économies à quelque 680 millions d’euros (au regard d’une dépense annuelle de 1,5 milliard d'euros). Moins ambitieux, le rapport charges et produits de la CNAM fixe les économies à hauteur de « 160 millions d'euros » sur le poste global  de la diffusion des génériques et des biosimilaires. 

Davantage de liberté 

Pour inciter les médecins à franchir le pas, le gouvernement a proposé des mesures incitatives via la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pour les prescripteurs libéraux ou le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES) pour les hôpitaux. « Les réticences des médecins vis-à-vis des médicaments biosimilaires diminueront... à condition de continuer à engranger des données cliniques, de former, de soutenir les médecins car nous ne sommes pas des marchands de médicaments », insiste le Pr Jean-François Bergmann, chef du département de médecine interne de l'hôpital Lariboisière (AP-HP).

Pour Patrick Fallet, chargé de cours de droit et d’économie de la santé (Paris-Sud), le cadre réglementaire français demeure trop rigide. De fait, à la différence de la substitution générique réalisée par l'officinal, l’interchangeabilité est un acte médical. Elle peut avoir lieu au cours du traitement à condition que le patient soit informé, qu’une surveillance clinique appropriée soit assurée ainsi qu’une traçabilité sur les produits concernés. « Comment le médecin doit-il informer le patient ? Comment doit-il mettre en œuvre cette surveillance ? On aimerait avoir plus d’informations », regrette le juriste.

L'impossibilité pour les pharmaciens de substituer reste un obstacle persistant aux biosimilaires. « Il faudra probablement attendre le PLFSS 2019 [budget de la Sécu, NDLR], pronostique Pascal Paubel. La France encadre trop et empêche les professionnels de travailler. Si on leur laissait plus de liberté, le taux de pénétration serait plus important ». 

*Focus Biosimilaires, organisé par le Groupe Profession Santé

Loan Tranthimy
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Source : Le Quotidien du médecin: 9680