Innovation numérique au service de nos aînés

Bien vieillir, rester autonome le plus longtemps possible

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Publié le 01/03/2018

En France métropolitaine, l’espérance de vie s’est allongée de 14 ans ces 60 dernières années. La prise en charge sur des décennies des pathologies chroniques représente aujourd’hui 75 % des dépenses de santé, et concerne surtout les sujets âgés. «La mauvaise gestion des pathologies chroniques génère des hospitalisations en urgence qui, plus on avance en âge, induisent la perte d’autonomie. Notre système de santé a du mal à s’adapter et se déclasse. La France occupe la 24e place en Europe sur le temps passé en dépendance », s’alarme le Pr Guérin. Comment progresser ?

Exploiter les remontées d’information 

« La 1re révolution de la e-santé (le web) c’était il y a 15 ans. Nos systèmes d’informations médicales tardent à se structurer. Coordination, partage et transfert d’information entre professionnels doivent s’améliorer» constate le spécialiste. À cette révolution a succédé celle de la m-santé ou santé mobile (tablettes, Smartphones à usage santé) puis celle actuelle des objets connectés « ambiants » (caméras pour surveiller des postures) ou « portés » (mesures d’activité, de performance). Ces derniers ont fait irruption dans le loisir, le sport, et la santé, en particulier en gériatrie (actimètres portés pour des évaluations fines de l’autonomie..). L’exploitation des données fait avancer la recherche (modèles prédictifs, stratégies de bien vieillir…). Mais la remontée d’information, principal atout de ces objets connectés peut en faire des outils clé chez le sujet âgé pour enfin mieux suivre à domicile la maladie chronique. «Dans l’insuffisance cardiaque séquellaire d’un infarctus du myocarde à 50 ans (et ses probables 40 ans de suivi), la simple mesure du poids avec une balance connectée donne les moyens de dépister à temps les décompensations, et d’éviter l’hospitalisation» illustre le Pr Guérin. 

Traiter à domicile, enjeu de prévention, ne dépend pas que du système sanitaire. Les collectivités territoriales sont aussi concernées. Elles doivent mettre en relation usagers et industriels d’un bassin pour développer les technologies. Chaque région a ses enjeux spécifiques.

En PACA, la surpopulation sur la bande littorale coexiste avec des déserts médicaux à 20 km en zones de montagne. « À Nice, où la démographie du vieillissement a 10 ans d’avance, un lieu de pull technology - (le 27delvalle(1))- permet de co-créer l’innovation numérique pour la santé à partir des besoins détectés par des usagers ou des professionnels. Cette approche en phase avec les besoins, se distingue du push technology habituel (90 % des produits connectés du marché) », souligne le spécialiste. 

Repenser le modèle organisationnel

Agir sur les habitudes de vie (nutrition, activité physique, cognition, utilité sociale) retarde de plusieurs années la perte d’autonomie. Des efforts de prévention primaire sont à mener (informer la population, la rendre apte à gérer sa santé). 

La prévention secondaire impose de réorganiser le suivi des maladies chroniques au domicile pour limiter le recours à l’hôpital. « On sait faire remonter les données d’une balance connectée à l’infirmière et/ou au médecin traitant. Les verrous sont purement organisationnels : les médecins traitants ne peuvent pas gérer ces flux de données et ne sont pas rémunérés pour ça » souligne le Pr Guérin. 

La tarification à l’acte, même bonifiée, des polypathologies chroniques des sujets âgés est incompatible avec la gestion de patients âgés complexes en 8 minutes, temps médical effectif moyen en médecine de premier recours. Une tarification au parcours permettrait à terme des économies et une meilleure qualité de vie pour nos aînés. 

D’où l’appel du Pr Guérin pour «remettre à plat organisations et tarifications ; mettre les hospitaliers au service de la médecine de premier recours ; structurer au niveau de chaque territoire des équipes mobiles extrahospitalières et des centres de ressources pour que les médecins généralistes n’aient pas de rupture dans leur capacité à gérer un patient âgé à domicile ou en EHPAD ; partager l’information entre acteurs de la chaîne de soin et du monde social ; anticiper l’impact du numérique sur les spécialités (et donc les quotas de radiologues, anatomopathologistes, chirurgiens…formés) ». 

« Les EHPAD dont les résidents sont de plus en plus dépendants et malades, ne sont pas des établissements sanitaires. Les outils numériques ne sauraient tout résoudre. Recréer des conditions de soins optimales avec médecin salarié prescripteur est souhaitable... », conclut le Pr Guérin. 

D'après un entretien avec le Pr Olivier Guérin, gériatre au CHU de Nice et président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG).
(1) www ://delvalle.nicecotedazur.org/projets

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9644