Ictus amnésique

Apport de l’IRM fonctionnelle à la phase aiguë

Publié le 22/06/2015
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L’ictus amnésique est un syndrome amnésique transitoire brutal, antérograde et rétrograde, de résolution spontanée et totale en moins de 24 heures survenant chez des personnes indemnes de toute pathologie de la mémoire. Il dure le plus souvent entre 4 et 8 heures. Le patient se présente donc en phase ictale avec un défaut d’encodage et de stockage de l’information en mémoire qui se manifeste par un oubli à mesure et des questions itératives (comment suis-je venu à l’hôpital ? Qu’est-ce que je devais faire aujourd’hui ?…). Ces difficultés sont majeures en mémoire épisodique. L’importance de l’amnésie rétrograde est très variable d’une personne à l’autre.

L’incidence annuelle de l’ictus amnésique est de 3 à 8 cas pour 100 000 habitants. Classiquement les patients ont entre 50 et 70 ans avec un pic de survenue entre 60 et 65 ans.

Quand le suspecter ?

« L’ictus amnésique se produit volontiers dans les suites d’un choc émotionnel, d’un effort physique intense, ou plus rarement d’un contact avec l’eau froide, ou une douleur aiguë. 6 à 10 % des patients auront un deuxième épisode dans leur vie Un ictus survient rarement plus de 3 fois. Lors d’épisodes récidivant de courtes durées, il faut savoir évoquer le diagnostic d’épilepsie partielle temporale », souligne la Dr Émilie Rigal (CHU Purpan, Toulouse). Les critères diagnostiques utilisés en pratique clinique sont ceux définis par Hodges et Warlow en 1990 : une amnésie antérograde observée par un témoin supérieure à une heure, l’absence d’altération de la conscience ou de perte d’identité, un dysfonctionnement cognitif limité à une amnésie, l’absence de déficit neurologique focalisé ou d’argument pour une comitialité, l’absence de traumatisme crânien, une résolution des symptômes en 24 heures, l’existence possible de symptômes végétatifs.

L’amnésie rétrograde n’apparaît pas dans ces critères mais est toujours retrouvée en phase ictale. Lorsque ces critères sont réunis, aucun examen complémentaire n’est recommandé pour poser le diagnostic. S’il s’agit d’un cas typique, aucun traitement spécifique ne doit être instauré. Malgré la profondeur de l’atteinte mnésique, la résolution se fera progressivement sans séquelle à long terme. Les patients gardent une amnésie lacunaire de l’épisode et de la période qui l’a immédiatement précédée. Une IRM encéphalique doit être réalisée dès qu’il existe une atypie afin de ne pas méconnaître un diagnostic alternatif.

Des lésions de 1 à 5 mm

L’IRM structurale a deux avantages : éliminer des diagnostics alternatifs notamment de type vasculaire et, grâce à des séquences et des conditions de réalisation spécifiques, mettre en évidence des lésions localisées au sein du sous champ hippocampique CA1 au décours de l’ictus amnésique. Ces lésions mesurent entre 1 et 5 mm, et peuvent être uni ou bilatérales. Elles apparaissent en hypersignal sur les séquences en diffusion b-2000 (DWI) et sont détectées pour la plupart entre 48 et 72 heures après le début de l’ictus. Ces lésions disparaissent spontanément en 10 à 14 jours.

Il existe ainsi une franche dissociation entre l’apparition des lésions hippocampiques en IRM structurale et la dynamique de récupération clinique. Ces lésions sont invisibles en imagerie alors que le patient présente un trouble aigu de la mémoire et le deviennent après résolution complète des symptômes. « La présentation clinique en période ictale laisse supposer que l’atteinte fonctionnelle va bien au-delà de l’atteinte structurale dans cette affection, dépassant ainsi largement le cadre hippocampique, explique le Dr Rigal. Le trouble de la mémoire rétrograde observé en phase ictale suggère une altération au moins partielle des connexions fonctionnelles entre les structures temporales internes et les régions frontales. C’est dans ce contexte que nous avons voulu réaliser notre travail. Nous avons choisi d’utiliser l’IRM fonctionnelle en condition de repos pour étudier la connectivité fonctionnelle au sein du réseau mnésique à la phase aiguë d’un ictus amnésique. Le caractère pur, massif et transitoire du trouble mnésique observé au cours de l’ictus amnésique offre une occasion unique d’explorer les réseaux mnésiques ».

Une filière d’urgence Ictus

« C’est pourquoi nous avons organisé une filière d’urgence ICTUS sur le modèle de la prise en charge des Accidents vasculaires cérébraux (AVC) pour que tous les ictus de la région soient évalués dans les plus brefs délais. Nous avons débuté ce travail de recherche en novembre 2013. Dès l’arrivée d’un patient aux urgences des tests neuropsychologiques spécifiques et une IRM structurale et fonctionnelle au repos, sont réalisés. Les IRM sont faites sur une machine IRM 3 Tesla dédiée à la recherche au sein de l’hôpital. Les patients sont ensuite revus 2 fois (à 3 jours et à 3 mois) pour la réalisation des mêmes examens. À ce jour, 25 patients ont pu bénéficier du protocole de recherche dans son ensemble. Les résultats préliminaires montrent la présence d’une disconnexion fonctionnelle transitoire entre les deux lobes temporaux en phase ictale. Les résultats définitifs en terme de connectivité fonctionnelle devraient être connus d’ici la fin de l’année » conclut le Dr Rigal.

D’après un entretien avec la Dr Émilie Rigal, unité de neurologie B8, Centre mémoire et langage, hôpital Pierre Paul Riquet, Unité INSERM 825, imagerie cérébrale et handicaps neurologiques, Pavillon Baudot, CHU Purpan, Toulouse. Avec la collaboration de Patrice Péran (Inserm U825), Béatrice Lemesle (CHU Toulouse), Fabrice Bonneville (Inserm U825), Yalani Gomez (Inserm U825), Emmanuel Barbeau (CERCO), Pr Jérémie Pariente (CHU Toulouse, Inserm U825).
Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan spécialiste