Les agressions de soignants sont en augmentation notamment sur les généralistes. On y répond par soutien psychologique, sécurisation des lieux. C’est très bien. Mais cela ne traite pas les causes.
La violence du malade psychiatrique est rare mais arrive, notamment vis-à-vis du soignant avec lequel il est en relation thérapeutique. La réponse se situe dans le professionnalisme et une structuration plus efficace de l’urgence psychiatrique. L’agression crapuleuse n’est pas une spécificité du soignant. La réponse est éducative, policière, judiciaire.
Mais aujourd’hui, ce qui est en expansion, c’est la violence verbale ou physique contre le soignant et ses collaborateurs, contre les biens professionnels ou privés et le défoulement anonyme diffamatoire sur les réseaux sociaux. Certes, il peut y avoir des motifs légitimes de mécontentement d’un patient vis-à-vis d’un soignant mais cela ne peut être une excuse à la violence. En fait, ce qui a profondément tendu la relation soignant-soigné c’est une société qui pousse le patient et l’assuré social à être usager-consommateur de soins et à considérer le soignant comme à son service, entendu comme à ses ordres.
La satisfaction du client usager est devenue le critère du bien du patient, ce qui est un paradigme faux en termes de santé. Ceci est d’autant plus explosif que l’envahissement administratif de l’acte médical a mis sous tension, avec agressivité plus ou moins contenue de part et d’autre, la relation médecin patient. Ce sont ces demandes-exigences-négociations-conflits stériles, chronophages, exaspérant du quotidien de l’exercice : « non substituable », certificats inutiles voire illégaux mais exigés, 100 % ou pas, bon de transport, non remboursable. C’est le tiers payant avec ses bugs informatiques, avec carte vitale ou attestation non à jour ou non valides ou oubliées et conflit de l’avance de frais.
La tension est d’autant plus forte que les institutions sociales et politiques ou administratives ont un double discours : d’un côté aux citoyens et assurés sociaux c’est « vous avez droit, cela dépend de votre médecin » en se gardant bien de préciser les conditions très restrictives de ce droit ; et, d’un autre côté, aux médecins ce sont les conditions restrictives qui sont mises en avant avec pression ou sanction. Ainsi, aux yeux des patients, le soignant devient, à tort, celui qui leur donne ou les empêche d’obtenir quelque chose qu’ils estiment être en droit d’avoir. Cela pourrit aujourd’hui la relation soignant-soigné. Et l’agressivité monte.
Les sociopolitiques s’indignent stérilement de cette violence, mais refusent de prendre leur responsabilité des causes. Que font-ils pour communiquer au public sur les limites des droits sociaux, des droits à prise en charge ? Que font-ils pour arrêter la débilité des mentions non substituable ou de tout un tas de certificats ou mentions exigés ? Que font-ils pour arrêter les conflits sur le tiers payant ? Que font-ils pour sortir le soin d’un simple service de consommation : où je veux, quand je veux, comme je veux ? Rien.
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