LE QUOTIDIEN : Les acteurs de la prise en charge font tous état d’une dégradation de la situation. Pourquoi ça ne marche pas ?
XAVIER EMMANUELLI : On n’y arrive pas parce qu’on confond tout : la pauvreté, la précarité, la grande exclusion. On met tout le monde dans le même sac : la famille sans toit, le grand clochard, le fou désocialisé. Et chacun voit midi à sa porte, fait pour l’un du social, pour l’autre du psychologique, pour le troisième du logement. Au lieu de ça, il faudrait lancer des actions d’ensemble qui puissent se déployer dans le médico-psycho-social. Tant qu’on n’a pas intégré ces diverses dimensions, on échoue.
La prise en charge médicale manque-t-elle de moyens ?
C’est surtout la clinique de l’exclusion qui est insuffisante. On ne l’enseigne toujours pas à la fac. Les médecins devraient apprendre les bases de la dénutrition, de l’hypovitaminose, des addictions, de la rue. Tout cela est mal décrit, mal enseigné, donc forcément mal pratiqué.
Vous avez claqué la porte du Samu social que vous aviez fondé. Vous diriez que votre action a échoué ?
Je suis parti parce que les responsables ont donné la priorité au housing sur le caring. Ce sont les intervenants dans le domaine de l’hébergement qui ont obtenu la priorité, alors que je fais partie de ceux qui pensent que le médico-psychologique doit primer. Cela dit, je n’en ressens pas d’amertume personnelle. Nous sommes tous plongés dans une crise sociétale majeure, avec la métamorphose de nos repères. Ce sont tous les systèmes qui doivent être réinventés : le système éducatif, comme le système de santé. Venues du monde entier, des générations d’immigrés vont déferler sur nos villes. On n’est pas du tout prêt à les accueillir. Dans l’histoire, personne n’a jamais été prêt pour la crise qui a éclaté un beau jour.
*Ancien ministre, Xavier Emmanuelli est président du réseau national souffrance psychique et solidarité, consultant à Necker.
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