À MESURE que s’allonge le calvaire de M. Strauss-Kahn, la presse, à court d’informations judiciaires précises, se lance dans diverses polémiques qui n’ont rien à voir avec la gravité du choc subi par le monde politique français, toutes tendances confondues. Le Premier ministre, François Fillon, a cru bon de dire que « Dominique Strauss-Kahn ne représente pas la France » et que la communauté nationale n’a pas à éprouver gêne, embarras ou honte au sujet de ce qui s’est passé samedi dernier au Sofitel de New York.
Il existe pourtant une presse de caniveau, aux États-Unis et ailleurs, qui, sans se préoccuper de l’exactitude des faits qui lui sont reprochés, attribue le comportement de DSK à sa qualité de « Français ». Peut-être qu’il ne représente pas la France, mais la France était fière de sa nomination, puis du travail qu’il a accompli au FMI. Encore une fois, nous sommes tous concernés par cette affaire, parce qu’elle rejaillit sur l’ensemble de la classe politique et parce qu’il n’a pas fallu attendre trois jours pour que les journaux du monde entier reprochent à la presse française d’avoir fait le silence sur les frasques passées de DSK.
LA COMPARAISON ENTRE LES DEUX SYSTÈMES JUDICIAIRES EST ABSURDE
Il nous semble qu’on ne peut pas mettre sur le même plan le numéro de charme, fût-il répétitif, et le viol. Il existe seulement un cas, celui d’une jeune femme qui affirme avoir subi une tentative de viol de la part de DSK il y a quelques années. Les journalistes étaient au courant ; mais comme elle n’a pas porté plainte et que les faits ne sont pas certains, les médias ne pouvaient brandir sans la moindre preuve une accusation qui aurait sali M. Strauss-Kahn, peut-être à tort. Voilà que court la rumeur d’une plainte prochaine de la même personne, mais il est trop tôt pour en parler.
Nul n’en étant à une contradiction près, on reproche aussi à la presse française d’avoir publié des photos extrêmement humiliantes pour M. Strauss-Kahn et dont la parution serait interdite par la loi de notre pays. C’est la loi qui n’est pas raisonnable en l’occurrence, dès lors que ces images courent le monde. On peut s’en tenir en France à une déontologie stricte, ce que l’on essaie de faire d’ailleurs en soulignant les nombreuses inconnues de l’équation judiciaire; on ne peut pas, toutefois, préserver DSK de l’outrance des autres. On n’est pas non plus tenu de protéger un homme censé être un agresseur, au détriment de sa victime supposée, qui mérite le plus grand respect si les preuves de l’agression sexuelle sont fournies par le procureur.
Et Outreau ?
La comparaison entre les deux systèmes judiciaires, celui des États-Unis, qui serait épouvantable, et celui de la France, qui serait plus humain, est absurde. Le système américain est brutal, mais il ne prive l’accusé d’aucun de ses droits, pas plus que de la présomption d’innocence. Il protège la victime supposée et c’est tout à fait normal. Le système français n’est pas exempt de failles, comme on l’a vu au procès d’Outreau, cas historique d’erreur judiciaire. Et on ne se souvient pas que la juge Éva Joly, aujourd’hui candidate des Verts à la présidentielle, ait traité ses mis en examen avec une mansuétude excessive. Elle a même commis une faute éthique récemment en rappelant qu’elle connaissait bien DSK pour l’avoir poursuivi dans une autre affaire.
Quoi qu’il en soit, il serait bien regrettable que les médias français sombrent jusqu’au niveau de bassesse du New York Post et d’autres tabloïds américains qui ont exécuté DSK sans disposer de la moindre information concluant à sa culpabilité définitive, et se sont acharnés sur sa vie privée, tout en laissant entendre qu’un Français ne peut être qu’un libertin ou un violeur. Quand nous découvrons un sondage qui indique que 57 % des Français croient à une machination et qu’en même temps des amis américains nous somment de leur expliquer, comme si nous étions partie prenante au crime, comment la France a pu envisager d’avoir DSK comme président, nous mesurons le fossé culturel, politique, judiciaire qui sépare nos deux pays et semble encore plus large que l’Atlantique.
Avons-nous trop souligné l’épreuve subie par DSK et pas assez la terrible mésaventure de sa victime ? Le mouvement féministe s’est emparé du sujet, pour rappeler la gravité d’un crime nommé viol ou tentative de viol. On l’admettra bien volontiers, pour autant que la culpabilité de DSK soit établie, ce qui n’est pas encore le cas. Le respect témoigné par les politiques à la victime supposée relevait sans doute plus de la formalité morale que de l’émotion. Mais on ne nous a rien dit sur elle, alors que la chute de son agresseur présumé bouleverse la vie politique française.
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