« Nous, médecins signataires de cette tribune, appelons nos consœurs et confrères à jouer un rôle majeur dans la détection et la prévention des violences. […] Il est temps d’agir. » C’est par ces mots que soixante-cinq médecins interpellent aujourd’hui la communauté médicale, au sein d’une tribune publié sur le site internet de l’Obs. Cette dernière coïncide avec la publication, hier, d’un rapport de l’Inspection générale de la justice qui juge que « le signalement par les professionnels de santé n’est pas opérant en l’état de la législation actuelle » et observe que « 80 % des plaintes [pour violences conjugales] transmises au parquet sont classées sans suite ».
Dans la droite ligne des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) publiées en octobre, les médecins signataires de la tribune notent que trop peu de femmes victimes de violences s’en ouvrent à leur médecin. Or « on n’a de réponses qu’aux questions que l’on pose », notent les praticiens pour qui « le questionnement systématique de la patiente est crucial ».
Une formation à l'utilisation des questionnaires de dépistage
À ce titre, la HAS avait proposé dans ses recommandations un certain nombre de questions types. Les signataires évoquent également le questionnaire WAST (Women abuse screening tool), « test de dépistage des violences conjugales validé en langue française et utilisable en médecine de premier recours ». « Les recherches montrent que ce type de questionnaire multiplie par quatre le nombre de détections ! », appuie la tribune.
Dès lors, ses auteurs appellent leurs confrères et consœurs à se saisir de ces outils, à ce que l’on accorde aux médecins « la possibilité de se former à leur utilisation » et enfin « que soient financés par les ministères concernés (santé, universités, droits des femmes), des dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations, pour notamment assurer ces formations ». Les signataires en sont convaincus : « en dépistant ces violences, nous médecins contribuerons à mieux accompagner les femmes victimes et mieux prévenir ces violences ».
Un allègement du secret médical préconisé
L’autre volet de cet accompagnement, qui n’est pas évoqué dans la tribune, est celui du parcours des femmes victimes de violences, de la détection au procès. Cet aspect vient de faire l’objet d’un rapport pour le moins accablant de l’Inspection générale de la justice, remis le 17 novembre à la garde des Sceaux.
L'inspection a analysé 88 dossiers d’homicides conjugaux et de tentatives d’homicides commis en France entre 2015 et 2016 et jugés. Il ressort que la gendarmerie et la police ont été saisis dans 65 % des cas. Que cela n’a abouti à des investigations que dans 18 % des cas. Et que, parmi les plaintes transmises, le parquet en a classé 80 % sans suite.
« Très clairement, ça ne va pas. La chaîne pénale n’est pas satisfaisante », a observé dans le JDD, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, qui reconnaît que la personne qui recueille les plaintes « doit être formée ».
Le rapport établit une liste de 24 recommandations pour mieux prendre en charge les victimes, parmi lesquelles la « modification de l'article 226-14 du Code pénal pour permettre à tout professionnel de santé de signaler les faits même en cas de refus de la victime ». « Il est nécessaire de dépasser le secret médical, juge ainsi la ministre. Cela fait appel à l’éthique du médecin : s’il voit qu’une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu’il ne le dise pas ». L'allègement du secret médical fait actuellement l'objet d'une expertise juridique.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce