« L’INCOMPRÉHENSION semble être la règle, en particulier dans le milieu associatif », souligne le Pr Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida, en évoquant l’annonce faite par la Food and drug administration (FDA) le 10 mai dernier. L’agence américaine, à la suite de l’avis favorable d’un comité d’experts s’apprêtait à délivrer une autorisation de mise sur le marché pour le Truvada (combinaison de deux antirétroviraux) des laboratoires Gilead Sciences en prévention pré-exposition (PreP) de l’infection par le VIH/sida du Truvada. La décision prévue à la fin de la semaine dernière, a finalement été retardée de trois mois, la FDA devant analyser de nouveaux éléments fournis par le laboratoire quant à la stratégie de pharmacovigilance post AMM qu’il envisageait de mettre en place. « À ce jour, aucun État n’a donné d’AMM dans cette indication », prévient le Pr Rozenbaum. Aucune demande d’AMM pour un médicament à utiliser en PreP n’a été soumise à l’agence européenne du médicament (EMEA). Reste que le sujet revêt une importance particulière du point de la santé publique et de la prévention de l’infection par le VIH suivie de près par l’Agence européenne du médicament. « La coordination scientifique sur ce sujet a été confiée à la France », indique, dans ses recommandations sur la PreP, le groupe d’experts présidé par le Pr Patrick Yeni.
Chez les homosexuels.
« La PreP, parlons-en ». La réunion organisée par le Conseil national du sida en présence d’acteurs de la lutte contre le VIH/sida, avait valeur d’explication de texte. Il s’agissait d’ouvrir le dialogue autour des recommandations récemment émises par le groupe d’experts et par le CNS. La rencontre avait aussi valeur de passage de témoin entre l’ancien président à la manœuvre au moment de l’élaboration de l’avis sur la PreP, le Pr Willy Rozenbaum (voir entretien), et le nouveau récemment nommé, le Pr Yéni. Élaborés à la demande de la Direction générale de la santé, les deux avis aboutissent à des conclusions complémentaires quant à l’éventualité d’une introduction de la PreP en France. Si le CNS, interrogé plus spécifiquement sur les questions d’éthique et de société, a rendu un rapport plus prospectif, le groupe d’experts s’est attaché aux données médicales, pharmacologiques, virologiques et épidémiologiques actuellement disponibles. « La PreP ne peut se concevoir que dans le contexte d’un encadrement médical précis et adapté, elle ne peut s’envisager que comme une stratégie additionnelle aux mesures existantes et associée à un dispositif d’éducation thérapeutique », a précisé le Pr Yéni. Toutefois, « l’insuffisance des données disponibles ne permet pas d’encourager le recours à cette méthode de prévention dans un objectif de santé publique », a estimé le groupe d’experts. L’évaluation scientifique de cette stratégie doit donc être, selon les experts français, poursuivie.
En revanche, du point de vue de la santé individuelle et compte tenu de l’incidence élevée (1 % par an) chez les homosexuels, « il semblait difficile de refuser la PreP aux personnes extrêmement à risque d’infection par le VIH qui désiraient bénéficier de la PreP et ne pouvaient être inclus dans les essais ». À propose des nombreuses questions que pose la PreP - risque d’apparition d’une résistance, tolérance d’une prise d’ARV au long cours, risque de déshinibition - le groupe d’experts a considéré que « les signaux négatifs provenant des essais déjà réalisés n’étaient pas très importants ». Les recommandations visent donc à éviter le mésusage de la PreP. La méthode peut être prescrite aux homosexuels qui le souhaitent en raison de conduites à risques et ne peut être envisagé chez des femmes et hommes non homosexuels très exposés que dans des situations particulières justifiant une approche cas par cas. En revanche, « la PreP ne peut être proposée a priori au partenaire séronégatif des couples hétérosexuels. Des recommandations sont déjà prévues pour éviter le risque de transmission dans les couples sérodifférents par le traitement du partenaire infecté », précise le Pr Yéni. Chez les femmes hétérosexuelles séronégatives, les résultats discordants des différents essais réalisés - dont certains ont dû être arrêtés - invitent à la prudence.
Conditions draconiennes.
Dans les cas, où une PreP est proposée, le groupe d’experts formule des recommandations sur les conditions « draconiennes » de prescription et de renouvellement, de même que sur le dispositif de prise en charge et d’accompagnement des personnes désirant recevoir une PrEP.
Comme le CNS, le groupe d’experts juge « que le coût de la PreP devra être abaissé pour que cette approche de prévention devienne efficace ».
La PreP « ne sera pas un outil miracle », a lancé le Pr Willy Rozenbaum. Il convient, insiste-t-il, de l’imaginer comme un outil complémentaire des autres méthodes « en fonction des situations, des individus et de leur facilité à utiliser tel ou tel outil ». Pour l’ancien président du CNS, la PreP doit être l’occasion d’une « nouvelle étape dans la mutation du paradigme préventif ». Il appelle à « une reconstruction du discours de prévention autour de du concept de prévention multiple ou combinée » car dit-il, « le tout préservatif en toute circonstance a fait la preuve de son inefficacité ». Et d’insister sur « l’impérieuse nécessité d’un consensus sur le discours de prévention », une condition indispensable pour que chacun se détermine et ait un comportement collectif adapté.
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