L’université de Montpellier 1 inaugure la première chaire française dédiée à la santé des chefs d’entreprise. L’enjeu est scientifique et sociétal : créer de la littérature permettrait, à terme, de fonder les bases d’un service de santé au travail pour les non-salariés.
« Il existe plus de statistiques sur les baleines bleues que sur les patrons », lance Olivier Torrès. Pour remédier à cette lacune universitaire, ce professeur des Universités (en management) à Montpellier et chercheur associé à l’EM Lyon* vient d’inaugurer la première chaire dédiée à la santé des entrepreneurs, fondée avec le soutien du centre des jeunes dirigeants d’entreprise, et s’inscrivant dans le cadre du Labex**.
Son dada : on ignore tout de la santé des dirigeants de PME, artisans, commerçants, travailleurs non-salariés. Cette évidence le frappe il y a deux ans et demi : un chef d’entreprise se suicide, laissant derrière lui une lettre où il demande pardon à ses quelques salariés pour avoir lâché le navire. Qui aurait de fait coulé si ce n’était la mobilisation des réseaux sociaux ébranlés par sa fille.
Dans le même temps, un salarié électricien se pend. « Midi libre » lui consacre 15 lignes, rapporte Olivier Torrès. « Quand un salarié se suicide, il fait la Une, certes à juste titre. Mais quand un entrepreneur disparaît, c’est un fait divers », schématise-t-il. Selon lui, 2 patrons se suicident par jour dans l’anonymat. Pourtant, leur santé est essentielle à leur entreprise qui leur survit difficilement. « Quand Édouard Michelin ou Steve Jobs meurent, l’action en bourse chute de 1,5 point, mais quand c’est un petit patron, c’est la boîte qui coule. Plus la taille de la société est petite, plus la santé du patron est cruciale », développe Olivier Torrès. C’est aussi la richesse de la société française qui est menacée : les PME représentent 98 % des entreprises en France, soit les 2/3 des emplois, et 55 % du PIB selon le professeur de management.
Facteurs salutogènes
Avec 6 doctorants et 2 professeurs de management professionnel (M. Torrès et le Pr Karim Messeghem) à la chaire, l’enjeu numéro 1 est de produire de la littérature. Olivier Torrès ne part pas de rien : il a fondé Amarok, un observatoire destiné à briser ce qu’il considère comme un tabou. « Les patrons sont prisonniers de leur rôle de leader et n’ont pas la place pour exprimer une souffrance », explique-t-il.
Les dirigeants bénéficient néanmoins des facteurs « salutogènes, qui améliorent la santé », souligne Olivier Torrès. D’après une étude réalisée par Amarok en partenariat avec la mutuelle Malakoff Mederick sur 1 000 chefs d’entreprises comparés à des salariés, les premiers seraient en meilleure santé, souffriraient moins de troubles musculo-squelettiques, auraient un meilleur tonus, et ressentiraient moins la fatigue. « Être entrepreneur est bon pour la santé ! » assure M. Torrès. Mais le burnout peut-être aussi plus aigu chez eux. La chaire devrait permettre de développer les connaissances sur ces facteurs positifs. À l’avenir, elle permettra peut-être de fonder un service de santé au travail pour les chefs des PME, espère Olivier Torrès.
*Auteur de La santé du dirigeant : de la souffrance patronale à l’entreprenariat salutaire (Éditions de Boeck).
**Labex : laboratoire d’excellence, label national accordé à Montpellier 1.
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