HE DID IT. Barack Obama a fait plus que sauver la face dans la nuit de dimanche a lundi quand, trois mois après le Sénat, la Chambre des représentants a voté à son tour, par 219 voix contre 212, une réforme de l’assurance-maladie en chantier depuis, très précisément, le 5 mars 2009. Ce faisant, le président des États-Unis s’est offert un succès « historique », selon ses propres termes, et un tremplin politique lui permettant de se débarrasser avec éclat de son image de faible ou d’indécis. Avec le ralliement des représentants, il honore l’une de ses promesses de campagne les plus spectaculaires, réussit là où Franklin Roosevelt, John Kennedy ou les Clinton se sont cassé les dents – le vote est intervenu après « presque cent ans de discours et d’échecs », ne s’est-il pas privé de souligner lui-même –, il est après tout le premier président américain qui parvient à réformer l’assurance-maladie depuis Lyndon Johnson, en 1965.
Barack Obama terrasse également des adversaires (politiques jusque dans son propre camp puisque 34 représentants démocrates ont voté contre le projet de loi, mais aussi des industriels, des lobbies en tous genres…) qui, depuis plus d’un an que la réforme est en débat aux États-Unis, ont su se montrer aussi féroces qu’inventifs, faisant du président un dangereux rouge adepte, pour ne citer qu’un exemple, de l’euthanasie pour les personnes âgées. « Terrasser », est-ce le mot juste ? Pas certain. Car de compromis en choix stratégiques, de concessions en amendements de dernière heure, la loi sera bien moins ambitieuse que ne l’étaient les engagements initiaux du candidat démocrate à la Maison Blanche.
Très certainement historique, la réforme Obama ne change pas grand-chose, dans les faits, à l’architecture du système d’assurance-maladie américain et l’avenir dira si elle influe sur ses coûts. Elle laisse aussi sur le carreau quelque 15 millions de personnes.
• Enrayer la hausse des coûts, étendre la couverture : un double objectif.
L’Amérique ne veut plus consacrer 16 % de son PIB (plus de 2 000 milliards de dollars par an, soit 1 600 milliards d’euros) à ses dépenses de santé. La loi instaure un programme de lutte contre les gaspillages des programmes publics d’assurance-maladie (MEDICARE pour les personnes âgées, MEDICAID pour les démunis) et tente de juguler la hausse du coût des polices d’assurance privée.
Parallèlement, il s’agit d’offrir une couverture en assurance-maladie à au moins 31 millions d’Américains sur un total de 46 millions qui en sont aujourd’hui dépourvus ( « le Quotidien » était allé à la rencontre de New-Yorkais sur le fil de l’assurance-maladie dans son édition du 3 février).
Les nouveaux assurés seront de deux types : pour 60 % d’entre eux, ils seront subventionnés pour accéder à l’assurance privée ; les 40 % restants résulteront de l’extension des programmes MEDICARE et MEDICAID. Ces chiffres sont spectaculaires ; ils disent aussi en creux qu’autour de 15 millions d’Américains vont rester sans couverture maladie. De fait, Barack Obama a dû assez tôt renoncer à son projet d’assurance-maladie universelle pilotée par l’État fédéral, un système désigné, pour faire simple, sous le vocable d’ « option publique » et honni par les républicains comme par la frange conservatrice des démocrates parce que pas assez individualiste et surtout beaucoup trop cher.
Rappelons qu’au tout début de son mandant, le président américain a déjà étendu la couverture maladie… aux enfants.
• Une réforme de l’assurance plus qu’une réforme de la santé.
Chaque personne sera tenue d’être assurée pour sa santé ou bien de payer une pénalité qui augmentera progressivement jusqu’à atteindre 2,5 % de ses revenus en 2016. Les entreprises de plus de 50 salariés qui ne fourniront pas de couverture à leurs employés seront elles aussi pénalisées à raison de 2 000 dollars (1 600 euros) par an par salarié non-couvert. En revanche, les petites entreprises et les ménages modestes recevront des crédits d’impôts et des aides pour financer l’assurance santé.
Dans chaque État sera créée une bourse des polices d’assurances afin de promouvoir la concurrence et de tenter ainsi de faire baisser les prix des primes. Les assurances se verront interdire de refuser une couverture au prétexte de problèmes de santé préexistants. La loi prévoit également de combattre les hausses de tarifs « déraisonnables ou injustifiées » imposées aux assurés par des compagnies privées.
• MEDICARE amélioré, les dispensaires subventionnés mais pas l’IVG.
Pour les plus de 65 ans, la loi veut combler les failles actuelles – surnommées « trous dans le beignet » ( « doughnut hole ») du programme MEDICARE. Elle projette par ailleurs d’investir 11 milliards de dollars (8,7 milliards d’euros) sur cinq ans dans les dispensaires de quartier qui soignent actuellement 20 millions d’Américains ( dans son édition du 2 février, « le Quotidien » s’était rendu dans une telle structure : le centre de santé communautaire Ryan, à Manhattan).
Les IVG ne pourront en aucun cas être financés par des fonds publics : Barack Obama a dû fermement s’engager sur ce point pour rallier à sa cause des élus démocrates anti-avortement.
• Des économies à l’horizon 2020, les entreprises de santé taxées en milliards de dollars.
Les assureurs, qui vont bénéficier d’un plus grand nombre d’assurés, devront acquitter 67 milliards de dollars (53 milliards d’euros) d’impôts nouveaux sur dix ans. La facture atteint 23 milliards de dollars (18 milliards d’euros) pour l’industrie pharmaceutique et 20 milliards de dollars (16 milliards d’euros) pour celle des équipementiers médicaux.
Au total, la réforme va coûter 940 milliards de dollars (753 milliards d’euros) sur dix ans mais les experts estiment qu’elle doit réduire aussi le déficit de 138 milliards de dollars (110 milliards d’euros) sur les dix premières années et de 1 200 milliards de dollars (955 milliards d’euros) la décennie suivante.
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