Selon une enquête de l’Unicef publiée en septembre 2019, un jeune (de 13 à 24 ans) sur trois dit avoir été victime de harcèlement en ligne. En France, une étude de 2013 (1), menée auprès de 3 200 participants de 11 à 16 ans, rapportait que 42 % des jeunes interrogés ont été victimes de cyber-violence dans l’année.
« Nous sommes face à un véritable problème de santé publique, estimait le Dr Emmanuelle Peyret, psychiatre au service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent du CHU Robert Debré (Paris), à l’occasion d’un colloque organisé, le 28 janvier, à Paris, par l’association Centre de Victimologie pour Mineurs. Les conséquences d’un cyber-harcèlement peuvent être multiples : d’un sentiment de colère à des troubles du comportement alimentaire, en passant par des consommations d’alcool ou d’autres drogues, mais aussi des symptômes d’anxiété ou de dépression ».
Continuité entre harcèlement et cyber-harcèlement
Ce cyber-harcèlement se caractérise par des propos diffamatoires ou de la discrimination, de la divulgation d’informations personnelles ou des propos humiliants ou agressifs. Il est lié au phénomène de harcèlement hors ligne. « Un tiers des victimes de cyber-harcèlement sont aussi victimes de harcèlement. Et un quart des agresseurs en ligne le sont aussi hors ligne », détaille le Dr Emmanuelle Peyret.
Le cyber-harcèlement apparaît comme une « violence de proximité » : cette violence a lieu dans des cercles préexistants à la vie en ligne. « S’il s’agit d’une violence anonyme, la victime connaît très souvent son ou ses agresseurs avec qui elle partage certains espaces tels que le milieu scolaire », précise encore la psychiatre.
Les filles auraient par ailleurs 1,3 plus de risque d’être cyber-victimes que les garçons. « Elles sont plus souvent victimes de sollicitations sexuelles indésirées, de chantage au sexting ou à la photo dénudée, observe le Dr Peyret. Quant aux garçons, ils sont plus souvent victimes en raison d’une homosexualité réelle ou supposée ».
L’absence d’accompagnement parental, un facteur de risque
Publication d’informations personnelles en ligne, isolement social, rejets par les pairs apparaissent comme des facteurs de risque. Parmi les facteurs étiologiques identifiés, une faible estime de soi est constatée chez les victimes. Et chez les agresseurs, une perception négative de la qualité de vie et de l’expérience scolaire ou une solitude sont observées. Des psycho-traumatismes, un historique de maltraitance ou de négligence ressortent également des profils des agresseurs.
Pour les plus jeunes, « l’absence d’accompagnement parental des activités en ligne est aussi identifiée comme un facteur de risque de cyber-victimisation », insiste le Dr Peyret, soulignant qu’un accompagnement coercitif et/ou prohibitif est inefficace en termes de prévention.
Des conséquences multiples
Les conséquences du cyber-harcèlement sont multiples. Il peut conduire à des difficultés d’intégration, une détresse psychologique ou des relations interpersonnelles difficiles, que ce soit en ligne ou hors ligne, avec des ruptures d’amitiés ou de relations amoureuses. Le cyber-harcèlement impacte également la vie scolaire : difficultés de concentration, échec scolaire, démotivation, absentéisme, décrochage.
En termes de développement socio-émotionnel, « les filles semblent plus affectées », note le Dr Peyret. Elles affichent notamment des niveaux d’anxiété et de dépression plus importants. Chez les garçons, qu’ils soient auteurs ou victimes, les conséquences sont plus marquées chez ceux déclarant des antécédents d’ordre psychologique, physique et scolaire.
Une prévention complexe
Pour les cas les plus inquiétants, des troubles psychiatriques peuvent se développer, avec des comportements autodestructeurs (mutilation, tentatives de suicide), mais aussi de l’anxiété et de la dépression. « Près d’un quart des victimes affiche des scores de dépression élevés et mettent plus de temps à se remettre d’un épisode de cyber-violence que les victimes de harcèlement », souligne la psychiatre.
Face à ces difficultés, les jeunes concernés développent des stratégies d’évitement, par honte ou par peur des représailles. Seulement 46 % des victimes de cyber-violence disent avoir partagé ce qu’elles vivaient (2). « La loi du silence prévaut, déplore le Dr Peyret. Il est nécessaire de creuser, de faire alliance et d’aller chercher les informations en n’hésitant pas à questionner ». D’autant que l’évolution rapide des usages complexifie la prévention. « Ces problèmes sont d’autant plus difficiles à prendre en charge que les délais pour un premier rendez-vous en pédopsychiatrie sont longs. À l’hôpital Robert Debré, il faut compter un an d’attente pour une première consultation », regrette la psychiatre.
(1) Blaya, « Les ados dans le cyberespace. Prises de risque et cyberviolence. 2013
(2) Blaya, et al. 2015. DOI 10.1007/s10610-015-9293-7
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