M. INGALL-MONTANIER renvoie les deux magistrats dos à dos. Il n’approuve pas les initiatives personnelles de Mme Prévost-Desprez, mais il recadre le travail de M. Courroye en lui demandant d’ouvrir des informations judiciaires dans le cadre des quatre enquêtes préliminaires qu’il conduit, dont deux concernent Éric Woerth, le ministre du Travail. C’est assez dire que le procureur général de Versailles n’entend pas céder aux pressions politiques ; de ce point de vue, il semble soutenir plutôt Mme Prévost-Desprez, mais il paraît aussi se méfier de l’engagement personnel de la juge.
L’ensemble de l’affaire, qui a commencé par une plainte de Françoise Meyers-Bettencourt pour un abus de faiblesse dont sa mère serait victime, a ensuite révélé les dons énormes faits par Liliane Bettencourt à l’artiste François-Marie Banier, et levé un coin du voile sur les rapports apparemment étroits entre la famille Bettencourt et le pouvoir politique en place, a finalement contaminé la justice quand les deux magistrats, M. Courroye et Mme Prévost-Desprez, se sont publiquement querellés au sujet de leurs prérogatives respectives. Il s’agissait peut-être d’une bataille d’egos, et plus sûrement des relations avec le monde politique. On imagine que M. Courroye souhaitait mettre M. Woerth, et, derrière lui, Nicolas Sarkozy, à l’abri des retombées délétères de l’affaire. Et que Mme Prévost-Desprez, au contraire, voulait impliquer le pouvoir et la droite, en démontrant sans doute que des dons illégaux ont été accordés par Liliane Bettencourt à la campagne électorale de M. Sarkozy en 2007. Le résultat est qu’il y a deux enquêtes pour une seule affaire.
Pour le moment, Philippe Courroye doit obtempérer, mais il reste libre, dans le cadre des informations judiciaires, d’orienter ses investigations comme bon lui semble. Ce qui fait dire au sénateur socialiste Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, que le climat qui règne au tribunal de Nanterre, « n’est pas compatible avec une justice sereine ». Termes bien élégants. En réalité, la bataille des deux magistrats a entraîné la confusion générale au parquet de Nanterre, car elle a déclenché des prises de position politiques qui jettent un doute sérieux sur les intentions des deux magistrats. Elle-même ancienne juge d’instruction, l’écologiste Éva Joly accable M. Courroye. À droite en revanche, on dénonce les arrière-pensées politiques de Mme Prévost-Desprez, soupçonnée d’avoir largement alimenté les chroniques judiciaires et politiques par la violation fréquente du secret de l’instruction. Comment croire que des décisions peuvent être prises dans un climat aussi passionné ?
IL EST TEMPS DE RÉAFFIRMER LA SÉPARATION DES POUVOIRS
Certes, ce n’est pas la première fois que la justice est prise en défaut. On se souviendra encore longtemps du fiasco judiciaire dans l’affaire d’Outreau. On n’est pas prêt à croire que l’Élysée, si présent dans tous les domaines, comme dans l’audiovisuel, est prêt à laisser la justice agir de manière totalement indépendante. D’autant qu’une réforme est en cours de préparation qui envisage de supprimer le juge d’instruction et risque de créer une justice aux ordres si nos plus grandes institutions, comme le Conseil constitutionnel, n’y mettent pas bon ordre. Il est temps que Nicolas Sarkozy laisse passer la justice sans intervenir. Et il est temps que les magistrats eux-mêmes se ressaisissent. Comme l’a déclaré au « Monde » le président du tribunal de Nanterre, Jean-Michel Hayat, « ce sont tous les acteurs du monde judiciaire qui doivent procéder à l’examen critique des derniers mois ». On ne va pas se lancer ici dans une diatribe sur nos libertés en danger. Elles ne le sont pas et jamais, peut-être, la liberté d’expression n’a été aussi grande. Il suffit d’entendre chaque jour des journalistes s’en prendre au pouvoir. Il demeure, que pour plus de sécurité, il devient indispensable et urgent que la séparation des pouvoirs soit confirmée dans les principes et dans les faits. De rappeler qu’un gouvernement n’a aucune autorité sur la presse ni sur la justice. Ce qui n’empêche pas les journalistes de refuser de juger avant d’avoir la preuve et les magistrats de rester insensibles aux idéologies ou aux passions partisanes ou sectaires.
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