Tout en se démarquant des thèses transhumanistes, le fondateur de Doctissimo explique au Quotidien pourquoi « les barbares des nouvelles technologies » vont prendre le pouvoir médical et faire avancer l’espérance-vie jusqu’à l’immortalité.
« La mort de la mort », avait prophétisé le Dr Laurent Alexandre dans un livre néo-apocalyptique publié en 2011 ; décrivant la bio-révolution engagée par le développement exponentiel des NBIC (nanosciences, biologie, informatique et sciences cognitives), le chirurgien urologue, HEC et énarque, semblait alors rejoindre les Nostradamus du transhumanisme. Aujourd’hui à la tête d’une entreprise de séquençage du génome après avoir cédé le site Doctissimo, il prend ses distances, stigmatisant « les barbares des nouvelles technologies ». Mais il persiste dans l’analyse du « tsunami qu’ils vont provoquer », affirme-t-il, s’appropriant au passage le pouvoir médical. « Leur objectif déclaré, c’est de casser le tabou ultime qu’est la mort. Prenez Calico (acronyme de California Life company), la société de biotechnologie créée en 2013 par Google : elle travaille sur la lutte contre le vieillissement et les maladies dégénératives mais son projet s’appelle tout à fait officiellement "Tuer la mort", explique le Dr Alexandre. Pour y prétendre, elle séquence et traite 20 000 milliards de données, avec des algorithmes qui comptent un million de branches et chacune de ces branches connecte un million de branches, etc… Google traite ainsi des millions de milliards de données ultra-complexes. Dans le même temps, IBM et Novartis avancent leurs programmes qui mélangent intelligence artificielle et robotique. L’ingénierie du vivant avance avec les implants dans le cerveau, les rétines artificielles, la régénération des tissus pour fabriquer des organes entiers, comme le larynx, l’électronique crée des interfaces à l’intérieur de nos cellules, qui sont autant d’usine à l’échelle du milliardième de millimètre. »
La vassalisation des médecins.
« Les médecins n’ont rien vu venir, souligne le Dr Alexandre. Ils sont loin d’être les seuls, des multinationales comme Kodak se sont elles-mêmes trouvées larguées et n’y ont pas survécu. Mais comment voulez-vous qu’un médecin qui analyse péniblement une dizaine d’informations rivalise avec des machines pensantes qui traitent en quelques secondes 20 000 milliards de données ? Formés à éviter les morts prématurées et pas du tout à accroître l’espérance-vie, les médecins sont réfractaires aux thèses transhumanistes. Ils ne comprennent pas ce qui est en train de se passer et qui commence à émerger dans les médias. »
Serait-ce la faillite annoncée pour la médecine ? « Non, pas la faillite, pronostique le Dr Alexandre, mais sa marginalisation, ou plus exactement sa vassalisation, au service des big data ; les médecins joueront dans quinze ou vingt ans le rôle des infirmières et signeront les ordonnances conçues et rédigées par les machines. Les facultés de médecine continuent cependant à les former comme si leur statut de détenteur du pouvoir médical était immortel. »
Le chirurgien séquenceur ne signe pas encore le certificat de décès de la mort, mais il se montre cependant confiant : « Quand on vieillit d’un an, on ne se rapproche que de neuf mois de sa mort et d’ici 2050, nous aurons gagné quelques décennies de vie supplémentaires. Dussè-je choquer les médecins, je pense que vivre 200 ans sera bientôt banal. Et certains d’entre nous pourront même atteindre le millier d’années. » Rendez-vous est pris.
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