À QUELQUES encablures du centre de Lyon, longeant le fleuve, le site de Sanofi Pasteur s’étend sur 28 hectares. À l’est, les bâtiments dédiés à la chimie pharmaceutique attendent leur réaffectation l’an prochain, après l’arrêt de cette activité. À l’ouest, se dressent les 3 bâtiments (services, contrôle qualité, et production) flambant neufs consacrés au vaccin contre la dengue, dont la construction a été décidée dès 2007. La première pierre posée en 2009, le bâtiment abritant la production du principe actif du vaccin vivant atténué est le plus récent. En son cœur, 4 zones baignées dans un environnement de classe c (faible niveau de particules) : la culture cellulaire, où pendant 19 jours, les biologistes font pousser des cellules à partir d’une ampoule de 5 ml de cellules souches Vero, puis la culture virale - soit 4 appareils qui produisent en une semaine les antigènes -, suivie de la récolte et la purification et enfin, la répartition des stocks en poches congelées à moins 70 degrés. Parce que la dengue a 4 sérotypes, 4 formes d’antigènes sont élaborées séparément puis assemblées dans l’usine de Val-de-Reuil (Eure) pour obtenir un vaccin 4 en 1. « On fabrique un seul antigène par campagne. Le cycle, depuis le début de la production du premier antigène, à l’emballage de la dose, est estimé à 2 ans », explique Antoine Quin, directeur du site vaccins de Neuville. Un temps incompressible lorsqu’on part de rien, mais qui a vocation à se rétracter une fois la production lancée... sous peu.
1 milliard de doses en 10 ans.
Bien que la validation de procédé ne soit pas encore terminée, la production doit démarrer fin 2013, pour une commercialisation internationale des doses fin 2015. L’investissement pour le bâti et la technologie s’élève à 300 millions d’euros et a mobilisé 180 personnes. À terme, 220 personnes devraient travailler sur le site, dont 80 % d’anciens chimistes de l’activité pharma (qui comptait 725 personnes à l’origine) reformés à la biologie. Le coût global depuis les débuts de la R&D sur ce vaccin il y a vingt ans, est inconnu. Mais le jeu en vaut la chandelle, est-on persuadé à Neuville. « Ce vaccin tétravalent est stratégique pour nous », affirme Olivier Briand, responsable de la production. L’objectif : produire 100 millions de doses par an, 1 milliard en dix ans, et les mettre à la disposition de l’ensemble des pays touchés par la dengue - soit 2,6 milliards d’individus à risque.
Pari et anticipation.
Antoine Quin le reconnaît : « Nous avons anticipé le développement industriel avant la fin des essais cliniques. C’est un pari et nous pensons que ce vaccin est la seule solution contre la dengue. Si nous avions attendu les résultats de la phase III, les doses n’auraient été commercialisables qu’en 2019, et non en 2015. »
La phase III, Sanofi y est enfin. L’an passé, les résultats de la phase II B, conduit auprès de 4 002 enfants en Thaïlande, s’étaient révélés encourageants, avec un bémol néanmoins : le vaccin n’est efficace qu’à 30,2 % contre le sérotype 2, contre 60 % à 90 % pour les trois autres.
L’essai clinique de phase III, réalisé à partir de doses produites à Marcy l’Étoile, inclut 30 000 volontaires dans une dizaine de pays d’Amérique Latine et d’Asie. La publication des résultats s’échelonnera de la moitié à la fin 2014. Les dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès des autorités nationales et de l’Agence sanitaire européenne (EMA) devraient être déposés dans la foulée.
Pari risqué ? Et si l’indifférence au sérotype 2 menaçait l’obtention de l’AMM ?
Sans nier les aléas, les dirigeants de Sanofi se veulent optimistes. « Même si le vaccin ne protège pas contre le sérotype 2, il contribue à augmenter la réponse immunitaire globale », affirme Antoine Quin. « La tolérance est excellente et l’immunogénicité est bonne pour tous les sérotypes », ajoute-t-il. Autre facteur qui permet de relativiser : la présence particulièrement importante du sérotype 2 en Thaïlande qui a pu a pu influencer les résultats.
Surtout, l’espoir suscité chez les populations touchées et les enjeux de santé publique justifie aux yeux des dirigeants de Sanofi une telle audace. Invité par le groupe pharmaceutique comme leader d’opinion, le Dr Roberto Tapia-Conyer, ancien cadre du ministère mexicain de la Santé et directeur de la fondation Carlos Slim, corrobore : « C’est une date historique : nous sommes dans le seul site capable de produire des vaccins contre la dengue. Parfois, il faut attendre plus d’une décennie entre l’innovation et la mise sur le marché. Ce paradigme doit changer et les pays doivent être prêts à introduire les vaccins le plus rapidement possible ».
Quels bénéfices financiers le groupe escompte-il ? À quel prix envisage-t-il de commercialiser les doses ?
« Nous ne sommes pas prêts à finaliser la tarification. Nous attendons les résultats de la phase III des essais cliniques », décline Guillaume Leroy, vice-président vaccin dengue. Au moins Sanofi Pasteur devrait gagner la course de vitesse. Ses concurrents (Inviragen racheté par Takeda, GlaxoSmithKline) n’en sont pas encore aux essais cliniques de phase III.
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