Comment prévenir et gérer les épisodes de violence des patients hospitalisés en psychiatrie ? La Haute Autorité de santé (HAS) a présenté ce 22 novembre une « sacoche » d'une trentaine d'outils pour aider les équipes de soins confrontés à ces situations, souvent taboues, peu documentées.
Mais loin d'être anodines : 500 000 incidents surviendraient chaque année dans les services psychiatriques français, à raison de 3 par semaine, selon une extrapolation de la littérature internationale, a indiqué le Dr Cédric Grouchka, membre de la HAS. Les victimes seraient à parts égales patients et professionnels de santé. Si les blessures physiques sont rares, les conséquences psychologiques sont sévères avec des sentiments de culpabilité, d'abandon, voire des symptômes de stress post-traumatique observés chez les soignants, et l'accroissement de l'angoisse, de la tristesse ou de la colère chez les patients témoins.
Aucune fatalité à cela, nuance la HAS : « Les outils que nous proposons peuvent limiter jusqu'à 68 % des épisodes violents selon certaines études, ou, le cas échéant, réduire jusqu'à 50 % les mesures de restriction de liberté », soutient le Dr Grouchka.
Pas d'amalgame non plus : « Les personnes souffrant de troubles mentaux sont à l'origine de seulement 3 à 5 % des actes de violence ; extrêmement vulnérables, elles sont 4 fois plus souvent victimes de violences, 12 fois plus de crimes violents, 140 fois plus de vol », rappelle le Dr Grouchka.
L'admission et l'hospitalisation longue durée à risque
Le groupe de travail présidé par le Pr Jean-Louis Senon, s'appuyant sur la littérature internationale et sur l'expérience de ses membres, professionnels et usagers, identifie deux situations à risques : les unités d'admission, « lorsque le patient est mal, pas toujours connu, parfois opposant, en pleine décompensation », explique le psychiatre de Poitiers. Et les hospitalisations de très longue durée « où la violence peut survenir en raison de la proximité extrême entre patients, ou entre patients et soignants ; lorsqu'est pénétrée la bulle d'intimité », poursuit-il. Les facteurs sont multiples, liés à la clinique, mais aussi au contexte (manque de temps chez les soignants, turn-over, tensions, etc.) ou aux interactions individuelles.
La HAS propose de travailler sur trois niveaux de prévention. Pour la primaire, les pistes consistent à évaluer de manière pluriprofessionnelle le patient, à améliorer son information (« parfois l'interdiction d'une cigarette suffit à déclencher un incident », illustre le Pr Senon), à accueillir la famille et l'entourage, et à améliorer la collecte des données sur le patient. « Un psychotique présente toujours les mêmes délires, parfois à cinq ans d'intervalle. La mémoire de l'infirmière ou le dossier médical sont très précieux », note le rapporteur.
En prévention secondaire, il s'agit d'éviter l'escalade et de désamorcer les situations à risques de violence. La HAS y consacre un programme entier, pour aider l'équipe à isoler le patient, à l'apaiser par des mots, des regards, des attitudes d'écoute, à privilégier la relation thérapeutique pour éviter l'isolement et la contention (sujet sur lequel le comité de suivi du programme psychiatrie et santé mentale de la HAS devrait rendre des recommandations début 2017), etc.
Lutter contre le déni de la maladie
Enfin, la prévention tertiaire consiste à reprendre un incident avec le patient, avec l'équipe, et au niveau institutionnel.
Concrètement, la HAS propose 15 programmes d'amélioration des pratiques (dans les trois niveaux de prévention, mais aussi dans la transversalité, comme la promotion des droits des patients ou la mise en place d'une gestion des risques) et 14 outils (par exemple, le plan de prévention partagé, la réunion d'équipe post-incident, l'appel à renfort). À l'équipe de choisir quel programme mettre en œuvre.
Si la HAS n'a pas vocation à former les professionnels, elle se rapprochera des organismes de formation et présentera ces travaux dans les congrès, a indiqué sa présidente Agnès Buzyn, en se félicitant que ce document figure comme l'un des axes prioritaires de formation dans les instructions adressées par la DGOS aux directeurs des agences régionales de santé et des établissements de santé mentale.
« Ce travail va nous aider dans la lutte contre le déni de la maladie et contre la stigmatisation », a salué Claude Finkelstein, présidente de la FNAPSY.
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