Comment accélérer la vaccination contre le Covid-19, afin de gagner la course contre les variants ? La Haute Autorité de santé (HAS) publie ce 2 mars trois avis qui devraient permettre de protéger au plus vite les plus vulnérables. « Le but est de diminuer la mortalité et la pression sur le système de santé », a rappelé la présidente de la HAS, la Pr Dominique Le Guludec.
AstraZeneca recommandé au-delà de 65 ans, sans limite d'âge supérieur
La HAS avait, dans un précédent avis de février, exclu les populations de plus de 65 ans de la vaccination par AstraZeneca (ChAdOx1), faute de données suffisantes. Mais deux études ont depuis apporté des résultats « très encourageants », à commencer par l'étude en vie réelle menée en Écosse, sur plus de 5 millions de personnes et une autre britannique prépubliée le 1er mars. Toutes deux ont montré une réduction de plus de 80 % des hospitalisations chez plus de 80 ans après la première dose pour le vaccin à ARNm Pfizer Comirnaty et l'AstraZeneca ChAdOx1.
La HAS élargit donc l'utilisation du vaccin AstraZeneca aux personnes âgées de plus de 65 ans, « sans limite d’âge supérieur », a précisé la Pr Le Guludec. Et rejoint ainsi les récentes recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.
Autre précision : la HAS recommande un espacement de 12 semaines entre les deux doses de ChAdOx1 (et non plus une fourchette de 9 à 12 semaines) et un délai de 6 semaines entre les deux doses de Comirnaty.
Quatre nouvelles comorbidités à haut risque
En raison de l'insuffisance actuelle de doses, la logique de priorisation est toujours en vigueur. Mais la HAS revient sur sa stratégie présentée le 30 novembre dernier, forte de 200 études supplémentaires. À la lumière notamment d'une étude réalisée par Epi-Phare, le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) ANSM-CNAM, elle rappelle que l'âge est le facteur prépondérant dans la survenue de formes sévères et de décès liés au Covid-19.
Mais certaines comorbidités constituent également un facteur de risque de formes graves et de décès. Par rapport à la précédente liste*, la HAS en ajoute quatre nouvelles : maladies hépatiques chroniques et en particulier la cirrhose, troubles psychiatriques (schizophrénie, troubles bipolaires, dépression sévère…), démence, personnes présentant un antécédent d'accident vasculaire cérébral.
Les 65-74 ans polypathologiques prioritaires
La Pr Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations, invite à tenir compte des interactions entre ces facteurs de risque et l'âge. « Nous observons que des personnes de 65 à 74 ans ayant 4 ou 5 facteurs de risque présentent un risque de décéder supérieur aux personnes âgées de plus de 75 ans avec deux facteurs de risque ; il est donc important de reprioriser ».
« À partir de trois comorbidités associées, il faut mettre les personnes dans la catégorie d’âge supérieur au leur ; et à chaque fois qu'on descend d'une décennie dans l'âge de la patientèle, il faut commencer par les comorbides », a résumé la Pr Le Guludec. Et en réponse à ceux qui considèrent que les 65-74 ans sont aujourd'hui, la tranche « oubliée », la HAS précise donc que les 65-74 ans avec trois comorbidités sont autant prioritaires que les plus âgés.
Selon Olivier Véran, cet élargissement des critères devrait permettre de rendre éligibles à la vaccination 2,5 millions de personnes supplémentaires. « Rien que sur le mois de mars, nous comptons proposer une première vaccination à 6 millions de Français, ce qui fera 9 millions au total depuis le début » a-t-il déclaré au 20 heures de France 2, ce 1er mars.
Des pathologies à prendre en compte quel que soit l'âge
La HAS insiste par ailleurs sur la nécessité de prioriser trois pathologies à très haut risque de décès, quel que soit l'âge : les personnes atteintes de trisomie 21, « dont le risque est multiplié par trois, surtout à partir de l'âge de 40 ans », a précisé la Pr Bouvet, celles ayant reçu une transplantation d'organe et les insuffisants rénaux dialysés.
La HAS indique aussi que « doivent être priorisées indépendamment de leur âge, les personnes jugées particulièrement vulnérables par leur médecin et présentant des affections préexistantes rares et graves ou des handicaps graves (déficits immunitaires sévères, hémopathies malignes, maladies rares) », même s'ils ne figurent pas dans des listes de priorité faute d'avoir été investigués dans les études.
Multiplier les vaccinateurs potentiels
Enfin, toujours pour accélérer la vaccination, la HAS propose de multiplier le profil de vaccinateurs et les lieux de vaccination.
L'agence avait déjà recommandé que les sages-femmes et les pharmaciens puissent prescrire et administrer le vaccin AstraZeneca. Nouveauté : les sages-femmes, les pharmaciens et les infirmiers peuvent vacciner avec l'ensemble des vaccins, y compris à ARNm. À quelques précisions près : les pharmaciens ne devraient pas vacciner les personnes présentant un trouble de l'hémostase, ni les femmes enceintes, qui elles, doivent être prises en charge par la sage-femme (qui peut aussi vacciner l'entourage de la future mère). « Nous déconseillons aussi aux pharmaciens de vacciner les personnes polypathologiques et de les réorienter vers leur médecin, mais c'est déjà ce qu'ils font » a précisé la Pr Le Guludec.
La HAS se prononce enfin pour la mise en place de dispositifs comme des équipes mobiles pour aller vacciner les personnes âgées à domicile, les personnes précaires et défavorisées.
*l'obésité (IMC > 30 kg/m2, et encore plus quand IMC > 40 en particulier chez les plus jeunes), les maladies respiratoires chroniques (insuffisance respiratoire, BPCO), l'hypertension artérielle compliquée, l'insuffisance cardiaque, le diabète de type 1 et 2 (notamment chez les plus jeunes), l'insuffisance rénale chronique, les cancers récents et/ou en progression et/ou sous chimiothérapie (en particulier hématologiques), les transplantés d'organes solides ou de cellules souches et la trisomie 21.
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