De la maladie d’Alzheimer aux « salles de shoot » en passant par la maltraitance chez l’enfant, le handicap et les conditions carcérales, les travaux récompensés cette année ont en effet un point commun : ils interrogent les relations entre science, pouvoir et patients.
Pour illustrer ce thème, la rédaction de la revue avait décidé de mettre en avant deux des cinq ouvrages primés : Alzheimer, la construction sociale d’une maladie de Laëtitia Ngatcha-Ribert, et Salle de shoot, les salles d’injection supervisée à l’heure du débat français, de Pierre Chappard et Jean-Pierre Couteron.
« Médicalisation de la société » ou socialisation de la médecine ?
Laëtitia Ngatcha-Ribert, sociologue spécialiste de la maladie d’Alzheimer, a expliqué que cette pathologie, pourtant connue depuis 1906, était largement ignorée du grand public jusqu’au début des années 1970. Ce sont de profondes transformations sociales comme le vieillissement de la population et l’influence culturelle américaine qui ont donné ses lettres de noblesse à ce qu’on appelait autrefois la « démence sénile ». Celle-ci a gagné le statut de « vraie maladie », changement qui s’est accompagné d’un tournant thérapeutique, avec l’apparition des très controversés médicaments anti-Alzheimer.
Autre contexte, même type d’interactions entre médecine et société. Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien spécialiste des usagers de drogue, a dressé un petit historique de la politique française de prise en charge des addictions. La loi de 1970 ne voulait voir dans les toxicomanes que des malades ou des délinquants, mais les évolutions sociales (et notamment l’épidémie de SIDA) ont radicalement modifié les stratégies utilisées pour venir en aide aux personnes souffrant d’addiction. L’arrivée des traitements de substitution a également obligé les praticiens à reconnaître qu’on pouvait soulager sans mettre un terme à la dépendance, que se soigner ne voulait pas forcément dire être abstinent. « Un choc culturel », selon M. Couteron.
Mais au final, est-ce la société qui se médicalise, comme le suggérait le titre du débat ou est-ce la médecine qui évolue face aux évolutions de la société ? Comme l’indique Jean-Pierre Couteron, pour que l’institution médicale puisse venir en aide aux personnes qu’elle prend en charge, elle doit s’adapter à elles. Il faut « s’adresser à chacun là où il est », explique le psychologue. Une maxime qui vaut pour les personnes atteintes d’Alzheimer comme pour les usagers de drogue.
. Laëtitia Ngatcha-Ribert, Alzheimer : la construction sociale d’une maladie, Dunod, Paris, 2012, 437 pages, 35 euros ;
. Observatoire international des prisons, Le guide du prisonnier, La Découverte, Paris, 2012, 702 pages, 30 euros ;
. Fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (APAHJ), Handicap. Le guide pratique 2013, Prat Editions, Issy-les-Moulineaux, 2013, 444 pages, 23,35 euros ;
.Caroline Rey-Salmon et Catherine Adamsbaum, Maltraitance chez l’enfant, Lavoisier Médecine Sciences Publications, Paris, 2013, 230 pages, 89 euros ;
. Pierre Chappard et Jean-Pierre Couteron, Salle de shoot. Les salles d’injection supervisée à l’heure du débat français, La Découverte, Paris, 2013, 203 pages, 12,5 euros.
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